Odyssée
roi Herinéias le donna à
Pélops, dompteur de chevaux, et Pélops le donna au prince des peuples Atreus. Atreus, en mourant, le laissa à Thyestès riche en troupeaux, et Thyestès le laissa à Agarnemnôn, afin que ce dernier le port‚t et command‚t sur un grand nombre d'îles et sur tout Argos. Appuyé sur ce sceptre, il parla ainsi aux Argiens :
- ‘ amis ! héros Danaens, serviteurs d'Arès, Zeus Kronide m'accable de maux terribles. L'impitoyable ! Autrefois il me promit que je reviendrais après avoir conquis Ilios aux fortes murailles ; mais il me trompait, et voici qu'il me faut rentrer sans gloire dans Argos, ayant perdu un grand nombre d'hommes. Et cela plaît au tout puissant Zeus qui a renversé et qui renversera tant de hautes citadelles, car sa force est très-grande. Certes, ceci sera une honte dans la postérité, que la race courageuse et innombrable des Akhaiens ait combattu tant d'années, et vainement, des hommes moins nombreux, sans qu'on puisse prévoir la fin de la lutte. Car, si, ayant scellé par serment d'inviolables traités, nous, Akhaiens et Troiens, nous faisions un dénombrement des deux races ; et que, les habitants de Troiè s'étant réunis, nous nous rangions par décades, comptant un seul Troien pour présenter la coupe à chacune d'elles, certes, beaucoup de décades manqueraient d'échansons, tant les fils des Argiens sont plus nombreux que les Troiens qui habitent cette ville. Mais voici que de nombreux alliés, habiles à lancer la pique, s'opposent victorieusement à
mon désir de renverser la citadelle populeuse de Troiè. Neuf années du grand Zeus se sont écoulées déjà, et le bois de nos nefs se corrompt, et les cordages tombent en poussière ; et nos femmes et nos petits enfants restent en nous attendant dans nos demeures, et la t‚che est inachevée pour laquelle nous sommes venus. Allons ! fuyons tous sur nos nef vers la chère terre natale. Nous ne prendrons jamais la grande Troiè !
Il parla ainsi, et ses paroles agitèrent l'esprit de la multitude qui n'avait point assisté au conseil. Et l'agora fut agitée comme les vastes flots de la mer Ikarienne que remuent l'Euros et le Notos échappés des nuées du Père Zeus, ou comme un champ d'épis que bouleverse Zéphyros qui tombe impétueusement sur la grande moisson. Telle l'agora était agitée. Et ils se ruaient tous vers les nefs, avec des clameurs, et soulevant de leurs pieds un nuage immobile de poussière. Et ils s'exhortaient à saisir les nefs et à les traîner à la mer divine. Les cris montaient dans l'Ouranos, h
‚tant le départ ; et ils dégageaient les canaux et retiraient déjà les rouleaux des nefs. Alors, les Argiens se seraient retirés, contre la destinée, si Hèrè n'avait parlé ainsi à Athènè :
- Ah fille indomptée de Zeus tempétueux, les Argiens fuiront-ils vers leurs demeures et la chère terre natale, sur le vaste dos de la mer, laissant à
Priamos et aux Troiens leur gloire et l'Argienne Hélénè pour laquelle tant d'Akhaiens sont morts devant Troiè, loin de la chère patrie ? Va trouver le peuple des Akhaiens armés d'airain. Retiens chaque guerrier par de douces paroles, et ne permets pas qu'on traîne les nefs à la mer.
Elle parla ainsi, et la divine Athènè aux yeux clairs obéit. Et elle sauta du faîte de l'Olympos, et, parvenue aussitôt aux nefs rapides des Akhaiens, elle trouva Odysseus, semblable à Zeus par l'intelligence, qui restait immobile. Et il ne saisissait point sa nef noire bien construite, car la douleur emplissait son coeur et son ‚me. Et, s'arrêtant auprès de lui, Athènè aux yeux clairs parla ainsi :
- Divin Laertiade, sage Odysseus, fuirez-vous donc tous dans vos nefs chargées de rameurs, laissant à Priamos et aux Troiens leur gloire et l'Argienne Hélénè pour laquelle tant d'Akhaiens sont morts devant Troiè, loin de la chère patrie ? Va ! h‚te-toi d'aller vers le peuple des Akhaiens. Retiens chaque guerrier par de douces paroles, et ne permets pas qu'on traîne les nefs à la mer.
Elle parla ainsi, et il reconnut la voix de la Déesse, et il courut, jetant son manteau que releva le héraut Eurybatès d'Ithakè, qui le suivait. Et, rencontrant l'Atréide Agarnemnôn, il reçut de lui le sceptre immortel de ses pères, et, avec ce sceptre, il marcha vers les nefs des Akhaiens revêtus d'airain. Et quand il se trouvait en face d'un Roi ou d'un homme illustre, il l'arrêtait par de douces paroles :
- Malheureux ! Il ne te
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