Odyssée
épouse :
- Hélas ! voici que la destinée de Sarpèdôn qui m'est très-cher parmi les hommes, est d'être tué par le Ménoitiade Patroklos, et mon coeur hésitant délibère dans ma poitrine si je le transporterai vivant du combat lamentable au milieu du riche peuple de Lykiè, ou si je le dompterai par les mains du Ménoitiade.
Et la vénérable Hèrè aux yeux de boeuf lui répondit :
- Redoutable Kronide, quelle parole as-tu dite ? Tu veux affranchir de la triste mort un homme mortel depuis longtemps voué au destin ? Fais-le, mais nous tous, les Dieux, nous ne t'approuverons pas. Je te dirai ceci, et retiens-le dans ton esprit: Si tu envoies Sarpèdôn vivant dans ses demeures, songe que, désormais, chacun des Dieux voudra aussi sauver un fils bien-aimé de la rude mêlée. Il y a, en effet, beaucoup de fils des Dieux qui combattent autour de la grande ville de Priamos, de ces Dieux que tu auras irrités. Si Sarpèdôn t'est cher et que ton coeur le plaigne, laisse-le tomber dans la rude mêlée sous les mains du Ménoitiade Patroklos ; mais dès qu'il aura rendu l'‚me et la vie, envoie Thanatos et le doux Hypnos afin qu'ils le transportent chez le peuple de la grande Lykiè. Ses parents et ses concitoyens l'enseveliront, et ils lui élèveront un tombeau et une colonne ; car c'est là l'honneur des morts.
Elle parla ainsi, et le Père des hommes et des Dieux consentit. Et il versa sur la terre une pluie de sang, afin d'honorer son fils bien-aimé que Patroklos devait tuer dans la fertile Troiè, loin de sa patrie.
Et les deux héros s'étant rencontrés, Patroklos frappa dans le ventre l'illustre Thrasymèdès qui conduisait le char du roi Sarpèdôn, et il le tua. Et Sarpèdôn s'élança; mais sa pique éclatante, s'étant égarée, blessa à l'épaule le cheval Pèdasos qui hennit, tomba dans la poussière et rendit l'‚me. Et ses compagnons se cabrèrent, et le joug cria, et les rênes furent entremêlées. Mais le brave Automédôn mit fin à ce trouble. Il se leva, et, tirant la longue épée qui pendait sur sa cuisse robuste, il trancha les traits qui étaient au-delà du timon. Et les deux autres chevaux, se remettant au joug, obéirent aux rênes, et les deux guerriers continuèrent le combat lamentable.
Alors la pique éclatante de Sarpèdôn s'égara encore, car la pointe d'airain effleura l'épaule gauche de Patroklos sans le blesser. Et celui-ci se rua avec l'airain, et le trait ne s'échappa point vainement de sa main, car il frappa Sarpèdôn à cette cloison qui enferme le coeur vivant. Et il tomba comme tombe un chêne, ou un peuplier, ou un grand pin que les b˚cherons, sur les montagnes, coupent de leurs haches tranchantes, pour construire des nefs. Et il était étendu devant ses chevaux et son char, grinçant des dents et saisissant la poussière sanglante. De même qu'un taureau magnanime qu'un lion fauve a saisi parmi les boeufs aux pieds flexibles, et qui meurt en mugissant sous les dents du lion, de même le roi des Lykiens porteurs de boucliers gémissait, dompté par Patroklos. Et il appela son cher compagnon
- Ami Glaukos, brave entre les hommes, c'est maintenant qu'il te faut combattre intrépidement. Si la mêlée lamentable ne trouble point ton coeur, sois prompt. Les appelant de tous côtés, exhorte les chefs Lykiens à
combattre pour Sarpèdôn, et combats toi-même pour moi. Je serais à jamais ton opprobre et ta honte si les Akhaiens me dépouillaient de mes armes dans le combat des nefs. Sois ferme, et exhorte tout mon peuple.
Il parla ainsi, et l'ombre de la mort couvrit ses yeux et ses narines. Et Patroklos, lui mettant le pied sur la poitrine, arracha sa lance, et les entrailles la suivirent, et le Ménoitiade arracha en même temps sa lance et l'‚me de Sarpèdôn.
Les Mymidones saisirent les chevaux haletants et qui voulaient fuir depuis que le char de leurs maîtres était vide. Mais, en entendant la voix de Sarpèdôn, Glaukos ressentit une amère douleur, et son coeur fut déchiré de ne pouvoir le secourir. Pressant de sa main son bras cruellement blessé par la flèche que lui avait lancée Teukros, du haut de la muraille, en défendant ses compagnons, il supplia ainsi l'Archer Apollôn :
- Entends-moi, ô Roi ! soit de la riche Lykiè, soit de Troiè, car tu peux entendre de tout lieu les plaintes de l'homme qui gémit, et voici que la douleur me ronge. Je subis une blessure cruelle, et ma main est en proie à
de grands maux, et mon sang coule
Weitere Kostenlose Bücher