Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
lui fit cent dix prisonniers.
Le 24, l'ennemi jeta brusquement un pont à Anghiari, et y fit passer son avant-garde, à une lieue de Porto-Legnago ; en même temps le général Joubert m'instruisit qu'une colonne assez considérable filait par Montagna, et menaçait de tourner son avant-garde à la Corona. Différens indices me firent connaître le véritable projet de l'ennemi, et je ne doutai plus qu'il n'eût envie d'attaquer, avec ses principales forces, ma ligne de Rivoli, et par là arriver à Mantoue : je fis partir dans la nuit la plus grande partie de la division du général Masséna, et je me rendis moi-même à Rivoli, où j'arrivai à deux heures après minuit.
Je fis aussitôt reprendre au général Joubert la position intéressante de San-Marco ; je fis garnir le plateau de Rivoli d'artillerie, et je disposai le tout, afin de prendre, à la pointe du jour, une offensive redoutable, et de marcher moi-même à l'ennemi.
À la pointe du jour, notre aile droite et l'aile gauche de l'ennemi se rencontrèrent sur les hauteurs de San-Marco : le combat fut terrible et opiniâtre.
Le général Joubert, à la tête de la trente-troisième, soutenait son infanterie légère que commandait le général Vial.
Cependant, M. Alvinzi, qui avait fait ses dispositions, le 24, pour enfermer toute la division du général Joubert, continuait d'exécuter son même projet ; il ne se doutait pas que pendant la nuit j'y étais arrivé avec des renforts assez considérables pour rendre son opération non-seulement impossible, mais encore désastreuse pour lui. Notre gauche fut vivement attaquée ; elle plia, et l'ennemi se porta sur le centre.
La quatorzième demi-brigade soutint le choc avec la plus grande bravoure.
Le général Berthier, chef de l'état-major, que j'y avais laissé, déploya dans cette occasion la bravoure dont il a fait si souvent preuve dans cette campagne.
Les Autrichiens, encouragés par leur nombre, redoublaient d'efforts pour enlever les canons placés devant cette demi-brigade : un capitaine s'élance au devant de l'ennemi, en criant : quatorzième, laisserez-vous prendre vos pièces ? En même temps la trente-unième, que j'avais envoyée pour rallier la gauche, paraît, reprend toutes les positions perdues, et, conduite par son général de division Masséna, rétablit entièrement les affaires.
Cependant, il y avait déjà trois heures que l'on se battait, et l'ennemi ne nous avait pas encore présenté toutes ses forces ; une colonne ennemie qui avait longé l'Adige, sous la protection d'un grand nombre de pièces, marche droit au plateau de Rivoli pour l'enlever, et par là menace de tourner la droite et le centre. J'ordonnai au général de cavalerie Leclerc de se porter pour charger l'ennemi, s'il parvenait à s'emparer du plateau de Rivoli, et j'envoyai le chef d'escadron Lasalle, avec cinquante dragons, prendre en flanc l'infanterie ennemie qui attaquait le centre, et la charger vigoureusement. Au même instant, le général Joubert avait fait descendre des hauteurs de San-Marco quelques bataillons qui plongeaient le plateau de Rivoli. L'ennemi, qui avait déjà pénétré sur le plateau, attaqué vivement et de tous côtés, laisse un grand nombre de morts, une partie de son artillerie, et rentre dans la vallée de l'Adige. À peu près au même moment, la colonne ennemie qui était déjà depuis long-temps en marche pour nous tourner et nous couper toute retraite, se rangea en bataille sur des pitons derrière nous.
J'avais laissé la soixante-quinzième en réserve, qui non-seulement tint cette colonne en respect, mais encore en attaqua la gauche qui, s'était avancée, et la mit sur-le-champ en déroute. La dix-huitième demi-brigade arriva sur ces entrefaites, dans le temps que le général Rey avait pris position derrière la colonne qui nous tournait ; je fis aussitôt canonner l'ennemi avec quelques pièces de 12 ; j'ordonnai l'attaque, et, en moins d'un quart d'heure, toute cette colonne, composée de plus de quatre mille hommes, fut faite prisonnière.
L'ennemi, partout en déroute, fut partout poursuivi, et pendant toute la nuit on nous amena des prisonniers. Quinze cents hommes qui se sauvaient par Guarda furent arrêtés par cinquante hommes de la dix-huitième, qui, du moment qu'ils les eurent reconnus, marchèrent sur eux avec confiance et leur ordonnèrent de poser les armes.
L'ennemi était encore maître de la Corona, mais ne pouvait plus être dangereux. Il
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