Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
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NAPOLÉON BONAPARTE n'existe plus, sa vie appartient à l'histoire ; peut-être ne convient-il pas de l'écrire encore, bien des faits doivent être appréciés, bien des passions calmées, bien des intérêts satisfaits, beaucoup d'affections et beaucoup d'inimitiés éteintes avant que l'on puisse parler avec impartialité et raison d'un homme aussi remarquable dans une période d'événemens si extraordinaires.
Beaucoup de faits sont connus, sans doute, mais leur origine est loin d'être éclaircie, et ces faits ne peuvent être jugés qu'en appréciant sa position, qui l'a toujours commandé, la nature de son génie, qui lui a fait produire de grandes choses et commettre des fautes.
Ce qu'il a écrit, ce qu'il a dit dans les diverses circonstances de son existence militaire et politique, servira mieux à le faire connaître que les discours de ses amis ou de ses ennemis.
Son génie est empreint tout entier dans ses lettres écrites durant les campagnes d'Italie et d'Égypte : les lettres se succédaient chaque jour, sa pensée était partout. Sa correspondance durant le consulat n'a pas été moins active ; nous y avons réuni les notes qu'il faisait alors insérer dans les journaux, et que plusieurs guides sûrs nous ont fait connaître.
Nous publierons ensuite ses messages durant le gouvernement impérial, ses ordres du jour, ses proclamations, ses réponses aux députations, ses lettres aux divers souverains, et ces bulletins écrits, sous sa dictée, sur le champ même de bataille, un moment après la victoire.
Nous y joindrons quelques actes émanés de sa seule volonté, et qui ont été comme les bases de son gouvernement et de sa politique intérieure, soit pour récompenser ceux qu'il aimait, soit pour punir ceux qu'il craignait.
Nous ferons connaître, dans la dernière partie, les détails de ses entretiens familiers lors de sa plus grande élévation, ou dans son exil, et nous terminerons par plusieurs morceaux qu'il écrivit à Sainte-Hélène, et par des lettres confidentielles qui lui furent adressées à diverses époques.
Le premier volume, qui paraîtra plus tard, fera connaître sa généalogie ; cette pièce assez étendue a été extraite des registres de San-Miniato ; elle se compose de vingt pièces, remonte jusqu'à 1268, et contient l'histoire de tous ses ascendans, elle n'avait jamais été publiée ; nous y placerons une histoire chronologique très-détaillée de Bonaparte, et présentant tous les faits qui lui sont personnels, sans aucune observation critique. On pourra ainsi faire concorder les faits avec ses lettres, ses messages et ses discours [Nous espérons aussi placer dans ce premier volume un discours que Bonaparte envoya fort jeune pour concourir à un prix proposé par l'Académie de Besançon. On nous a donné l'assurance de nous le faire connaître.].
Ce retard nous a forcé à différer la publication du tome premier.
Ce Recueil pourra être placé à côté des Commentaires de César, et des oeuvres de plusieurs illustres souverains. Il rappellera aux militaires les ordres qui ont dicté la victoire ; à beaucoup d'autres personnes, les lettres qui leur ont envoyé des faveurs et qui les ont élevées à un rang dont elles jouissent aujourd'hui.
Sans doute sa carrière si brillante a été ternie par des actions blâmables ; mais que ceux qui seront les moins indulgens se rappellent cette captivité si longue supportée avec dignité, et cette mort reçue avec calme au milieu de la solitude de l'Océan ; cette mort de celui dont tous les rois et leurs cours devaient porter le deuil ; qu'ils se rappellent ces paroles du souverain qui fera plus par sa sagesse et par le temps pour le bonheur de la France, que Napoléon ne fit par sa rapidité et par ses armes, qui eut réellement le plus à s'en plaindre, et qui, parlant au fils adoptif de Bonaparte, lui dit : J'ai souvent admiré celui que vous aimez.
LETTRE DE M. BUONAPARTE A M. MATTEO BUTTAFOCO, DÉPUTÉ DE LA CORSE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.
MONSIEUR,
Depuis Bonifacio au cap Corse, depuis Ajaccio à Bastia, ce n'est qu'un chorus d'imprécations contre vous. Vos amis se cachent, vos parens vous désavouent, et le sage même, qui ne se laisse jamais maîtriser par l'opinion populaire, est entraîné cette fois par l'effervescence générale.
Qu'avez-vous donc fait ? Quels sont donc les délits qui puissent justifier une indignation si universelle, un abandon si complet ? C'est, monsieur, ce que je me
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