Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
depuis envoyés à différentes époques ; mais d'autres, en nombre à peu près égal, en étaient revenus. Vingt-trois mille rentrent en France après l'évacuation, non compris les étrangers qui ont suivi leur fortune. Ainsi, quatre campagnes, de nombreux combats, et les maladies n'auront pas enlevé un cinquième de l'armée d'Orient.
Après la guerre continentale, tout ce que les circonstances ont permis de réformer dans le militaire, le gouvernement l'a Opéré.
Des congés absolus sont accordés ; ils le sont sans préférence, sans faveur, et dans un ordre irrévocablement fixé. Ceux-qui, les premiers, ont pris les armes pour obéir aux lois de la réquisition, en obtiennent les premiers.. Pour remplir le vide que ces congés laisseront dans l'armée, il sera nécessaire d'appeler des conscrits de l'an 9 et de l'an 10 ; et, dans cette session, un projet de loi sera présenté au corps législatif pour les mettre à la disposition du gouvernement ; mais le gouvernement n'en appellera que le nombre qui sera strictement nécessaire pour maintenir l'armée au complet de l'état de paix.
Nous jouirons de la paix ; mais la guerre laissera un fardeau qui pèsera long-temps sur nos finances : acquitter des dépenses qui n'ont pu être prévues ni calculées, récompenser les services de nos défenseurs, ranimer les travaux dans nos arsenaux et dans nos ports, rendre une marine à la France ; recréer tout ce que la guerre a détruit, tout ce que le temps a consumé ; porter enfin tous nos établissemens au point où les demandent la grandeur et la sûreté de la république ; tout cela ne peut se faire qu'avec un accroissement de revenus. Les revenus s'accroîtront d'eux-mêmes avec la paix ; le gouvernement les ménagera avec la plus sévère économie : mais si l'accroissement naturel des revenus, si l'économie la plus sévère ne peuvent suffire, la nation jugera les besoins, et le gouvernement proposera les ressources que les circonstances rendront nécessaires.
Dans tout le cours de l'an 9, à peine quelques communications rares ont existé entre la métropole et ses colonies.
La Guadeloupe a conservé un reste de culture et de prospérité ; mais la souveraineté de la république y a reçu plus d'un outrage. En l'an 8, un agent unique y commandait ; il est déporté par une faction. Trois agens lui succèdent ; deux déportent le troisième et le remplacent par un homme de leur choix. Un autre meurt ; et les deux qui restent s'investissent seuls du pouvoir qui devait être exercé par trois. Sous cette agence militaire et illégale, l'anarchie, le despotisme règnent tour à tour ; les colons, les alliés l'accusent et lui imputent des erreurs et des crimes. Le gouvernement a tenté d'organiser une administration nouvelle ; un capitaine-général, un préfet, un commissaire de justice subordonnés entre eux ; mais se succédant l'un à l'autre si les circonstances l'exigent, offrent un pouvoir unique qui a une sorte de censure, mais point de rivalité qui en trouble l'action et en paralyse la force.
Cette administration existe, et bientôt on saura si elle a justifié les espérances qu'on en avait conçues. Dès son arrivée, le capitaine-général a eu à combattre l'esprit de faction ; il a cru devoir envoyer en France treize individus artisans de troubles et moteurs de déportations. Le gouvernement a pensé que de pareils hommes seraient dangereux en France, et a ordonné qu'ils fussent renvoyés dans celle des colonies qu'ils voudraient choisir ; la Guadeloupe Exceptée.
A Saint-Domingue, des actes irréguliers ont alarmé la soumission. Sous des apparences équivoques, le gouvernement n'a voulu voir que l'ignorance qui confond les noms et les choses, qui usurpe quand elle ne croit qu'obéir. Mais une flotte et une armée qui s'apprêtent à partir des ports de l'Europe, auront bientôt dissipé tous les nuages ; et Saint-Domingue rentrera tout entier sous les lois de la république. A Saint-Domingue et à la Guadeloupe il n'y a plus d'esclaves ; tout y est libre ; tout y restera libre.
La sagesse et le temps y ramèneront l'ordre et y rétabliront la culture et les travaux.
A la Martinique, ce seront des principes différens. La Martinique a conservé l'esclavage, et l'esclavage y sera conservé. Il en a trop coûté à l'humanité pour tenter encore, dans cette partie, une révolution nouvelle.
La Guyanne a prospéré sous un administrateur actif et vigoureux ; elle
Weitere Kostenlose Bücher