Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
rapprocher par des liens solides et durables cette grande famille européenne dont la destinée est de faire les destinées de l'Univers. Sa première tâche est remplie ; Une autre commence pour vous et pour lui. A la gloire des combats faisons succéder une gloire plus doute pour les citoyens, moins redoutable pour nos voisins.
Perfectionnons, mais surtout apprenons aux générations naissantes, à chérir nos institutions et nos lois. Qu'elles croissent pour l'égalité civile, pour la liberté publique, pour la prospérité nationale ! Portons dans les ateliers de l'agriculture et des arts cette ardeur, cette constance, cette patience qui ont étonné l'Europe dans toutes nos circonstances difficiles. Unissons aux efforts du gouvernement les efforts des citoyens pour enrichir, pour féconder toutes les parties de notre vaste territoire.
Soyons le lien et l'exemple des peuples qui nous environnent. Que l'étranger qu'un intérêt de curiosité attirera parmi nous, s'y arrête, attaché par le charme de nos moeurs, par le spectacle de notre union, de notre industrie et par l'attrait de nos jouissances ; qu'il s'en retourne dans sa patrie plus ami du nom français, plus ami et meilleur.
S'il reste encore des hommes que tourmente le besoin de haïr leurs concitoyens, ou qu'aigrisse le souvenir de leurs pertes, d'immenses contrées les attendent ; qu'ils osent aller y chercher des richesses et l'oubli de leurs infortunes et de leurs peines. Les regards de la patrie les y suivront ; elle secondera leur courage : un jour, heureux de leurs travaux, ils reviendront dans son sein, dignes d'être citoyens d'un état libre, et corrigés du délire des persécutions.
Français ! il y a deux ans, ce même jour vit terminer vos dissentions civiles, s'anéantir toutes les factions ! Dès-lors vous pûtes concentrer votre énergie, embrasser tout ce qui est grand aux yeux de l'humanité, tout ce qui est utile aux intérêts de la patrie ; partout le gouvernement fut votre guide et votre appui. Sa conduite sera constamment la même. Votre grandeur fait la sienne, et votre bonheur est la seule récompense à laquelle il aspire.
Le premier consul, BONAPARTE.
Paris, le 1er frimaire an 10 (22 novembre 1801).
Au corps législatif.
EXPOSÉ DE LA SITUATION DE LA RÉPUBLIQUE.
C'est avec une douce satisfaction que le gouvernement offre à la nation le tableau de la situation de la France pendant l'année qui vient de s'écouler. Tout au dedans et au dehors a pris une face nouvelle ; et de quelque côté que se portent les regards, s'ouvre une longue perspective d'espérance et de bonheur.
Dans l'ouest et dans le midi, des restes de brigands infestaient les routes et désolaient les campagnes, invisibles à la force armée qui les poursuivait, ou protégés contre elle par la terreur même qu'ils inspiraient à leurs victimes jusqu'au sein des tribunaux, si quelquefois ils y étaient traduits, leur audace glaçait d'effroi les accusateurs et les témoins, les jurés et les juges. Des mains de la justice, ces monstres impunis s'élançaient à de nouveaux forfaits.
Il fallait contre ce fléau destructeur de toute société, d'autres armes que les formes lentes et graduées avec lesquelles la vindicte publique poursuit des coupables isolés qui se cachent dans le silence et dans l'ombre.
Des tribunaux spéciaux ont été créés, dont l'action plus rapide et plus sûre pût les atteindre et les frapper. De grands coupables ont été saisis ; les témoins ont cessé d'être muets ; les juges ont obéi à leur conscience et la société a été vengée. Ceux qui ont échappé à la justice fuient désormais de repaires en repaires ; et chaque jour la république vomit de son sein cette dernière écume des vagues qui l'ont si long-temps agitée.
Cependant l'innocence n'a eu rien à redouter ; la sécurité des citoyens n'a point été alarmée des mesures destinées à punir leurs oppresseurs ; et les sinistres présages dont on avait voulu épouvanter la liberté, ne se sont réalisés que contre le crime.
Du mois de floréal an 9, jusqu'au 1er vendémiaire an 10, sept cent vingt-quatre jugemens ont été prononcés par le tribunaux spéciaux ; dix-neuf seulement ont été rejetés par le tribunal de cassation, à raison d'incompétence. On ne peut donc leur reprocher ni excès de pouvoir, ni invasion de la justice ordinaire.
Le gouvernement, dès les premiers jours de son installation, proclama la liberté des consciences.
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