Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
sont contraires à la dignité et à la souveraineté du peuple français, dont Saint-Domingue ne forme qu'une portion.
Les circonstances où vous vous êtes trouvé, environné de tous côtés d'ennemis, sans que la métropole puisse ni vous secourir, ni vous alimenter, ont rendu légitimes les articles de cette constitution qui pourraient ne plus l'être. Mais aujourd'hui que les circonstances sont si heureusement changées, vous serez le premier à rendre hommage à la souveraineté de la nation qui vous compte au nombre de ses plus illustres citoyens, par les services que vous lui avez rendus et par les talens et la force de caractère dont la nature vous a doué. Une conduite contraire serait inconciliable avec l'idée que nous avons conçue de vous.
Elle vous ferait perdre vos droits nombreux à la reconnaissance et aux bienfaits de la république ; et creuserait sous vos pas un précipice qui, en vous engloutissant, pourrait contribuer au malheur de ces braves noirs dont nous aimons le courage, et dont nous nous verrions avec peine obligés de punir la rébellion.
Nous avons fait connaître à vos enfans et à leur précepteur les sentimens qui nous animent [Les enfans de Toussaint-Luverture étaient élevés à Paris, aux frais de la république. Le général Leclerc était chargé de les ramener au général noir avec leur précepteur.]. Nous vous les renvoyons.
Assistez de vos conseils, de votre influence et de vos talens le capitaine-général. Que pourrez-vous désire, la liberté des Noirs ? Vous savez que dans tous les pays où noua avons été, nous l'avons donnée aux peuples qui ne l'avaient pas. De la considération, des honneurs, de la fortune ? Ce n'est pas après les services que vons avez rendus, que vous pouvez rendre encore dans cette circonstance, avec les sentimens particuliers que nous avons pour vous, que vous devez être incertain sur votre considération, votre fortune et les honneurs qui vous attendent.
Faites connaître aux peuples de Saint-Domingue que la sollicitude que la France a toujours portée à leur bonheur a été souvent impuissante par les circonstances impérieuses de la guerre ; que les hommes venus du continent pour l'agiter et alimenter les factions, étaient le produit des factions, qui elles-mêmes déchiraient la patrie ; que désormais la paix et la force du gouvernement assurent leur prospérité et leur liberté.
Dites-leur que si la liberté est pour eux le premier des biens, ils ne peuvent en jouir qu'avec le titre de citoyens français, et que tout acte contraire aux intérêts de la patrie, à l'obéissance qu'ils doivent au gouvernement et au capitaine-général qui en est le délégué, serait un crime contre la souveraineté nationale, qui éclipserait leurs services et rendrait Saint-Domingue le théâtre d'une guerre malheureuse, où des pères et des enfans s'entr'égorgeraient.
Et vous, général, songez que vous êtes le premier de votre couleur qui soit arrivé à une si grande puissance et qui se soit distingué par sa bravoure et ses talens militaires, vous êtes aussi devant Dieu et nous, le principal responsable de leur conduite.
S'il était des malveillans qui, disent aux individus qui ont joué le principale rôle dans les troubles de Saint-Domingue, que nous venons pour rechercher ce qu'ils ont fait pendant les temps d'anarchie ; assurez-les que nous ne nous informerons que de leur conduite dans cette dernière circonstance, et que nous ne rechercherons le passé que pour connaître les traits qui les auraient distingués dans la guerre qu'ils ont soutenue contre les Espagnols et les Anglais qui ont eté nos ennemis.
Comptez sans réserve sur notre estime, et conduisez-vous comme doit le faire un des principaux citoyens de la plus grande nation du monde.
Le premier consul, BONAPARTE.
Paris, le 18 brumaire an 10 (9 novembre 1801).
Aux Français.
Français !
Vous l'avez enfin toute entière, cette paix que vous avez méritée par de si longs et de si généreux efforts [Les préliminaires de paix entre la France et l'Angleterre avaient été signés le 9 vendémiaire (1er octobre 1801).] !
Le monde ne vous offre plus que des nations amies ; et sur toutes les mers, s'ouvrent pour vos vaisseaux des ports hospitaliers.
Fidèle à vos voeux et à ses promesses, le gouvernement n'a cédé ni à l'ambition des conquêtes, ni à l'attrait des entreprises hardies et extraordinaires. Son devoir était de rendre le repos à l'humanité et de
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