Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
Gumbinnen, 20 juin 1812.
Premier bulletin de la grande armée.
A la fin de 1810, la Russie changea de système politique ; l'esprit anglais reprit son influence ; l'ukase sur le commerce en fut le premier acte.
En février 1811, cinq divisions de l'armée russe quittèrent à marches forcées le Danube, et se portèrent en Pologne. Par ce mouvement, la Russie sacrifia la Valachie et la Moldavie.
Les armées russes réunies et formées, on vit paraître une protestation contre la France, qui fut envoyée à tous les cabinets. La Russie annonça par là qu'elle ne voulait pas même garder les apparences. Tous les moyens de conciliation furent employés de la part de la France : tout fut inutile.
A la fin de 1811, six mois après, on vit en France que tout ceci ne pouvait finir que par la guerre ; on s'y prépara. La garnison de Dantzick fut portée à vingt mille hommes. Des approvisionnemens de toute espèce, canons, fusils, poudre, munitions, équipage de pont, furent dirigés sur cette place ; des sommes considérables furent mises à la disposition du génie, pour en accroître les fortifications.
L'armée fut mise sur le pied de guerre. La cavalerie, le train d'artillerie, les équipages militaires furent complétés.
En mars 1812, un traité d'alliance fut conclu avec l'Autriche : le mois précédent, un traité avait été conclu avec la Prusse.
En avril, le premier corps de la grande armée se porta sur l'Oder ;
Le deuxième corps se porta sur l'Elbe ;
Le troisième corps, sur le Bas-Oder ;
Le quatrième corps partit de Véronne, traversa le Tyrol, et se rendit en Silésie.
La garde partit de Paris.
Le 22 avril, l'empereur de Russie prit le commandement de son armée, quitta Pétersbourg, et porta son quartier-général à Wilna.
Au commencement de mai, le premier corps arriva sur la Vistule à Elbing et à Marienbourg ;
Le deuxième corps, à Marienwerder ;
Le troisième corps, à Thorn ;
Le quatrième et le sixième corps, à Plock ;
Le cinquième corps se réunit à Varsovie ;
Le huitième corps, sur la droite de Varsovie ;
Le septième corps, à Putavy.
L'empereur partit de Saint-Cloud le 9 mai, passa le Rhin le 13, l'Elbe le 29, et la Vistule le 6 juin.
Wilkowisky, le 22 juin 1812.
Deuxième bulletin de la grande armée.
Tout moyen de s'entendre entre les deux empires devenait impossible : l'esprit qui dominait le cabinet russe le précipita à la guerre. Le général Narbonne, aide-de-camp de l'empereur, fut envoyé à Wilna, et ne put y séjourner que peu de jours. On acquérait la preuve que la sommation arrogante et tout-à-fait extraordinaire qu'avait présentée le prince Kourakin, où il déclara ne vouloir entrer dans aucune explication que la France n'eût évacué le territoire de ses propres alliés, pour les livrer à la discrétion de la Russie, était le sine quâ non de ce cabinet ; et il s'en vantait auprès des puissances étrangères.
Le premier corps se porta sur la Prégel. Le prince d'Eckmülh eut son quartier-général le 11 juin à Koenigsberg.
Le maréchal duc de Reggio, commandant le deuxième corps, eut son quartier-général à Vehlau ; le maréchal duc d'Elchingen, commandant le troisième corps, à Soldapp ; le prince vice-roi, à Rastembourg ; le roi de Westphalie, à Varsovie ; le prince Poniatowski, à Pulstuk ; l'empereur porta son quartier-général, le 12, sur la Prégel, à Koenigsberg ; le 17, à Justerburg ; le 19, à Gumbinnen.
Un léger espoir de s'entendre existait encore. L'empereur avait donné au comte de Lauriston l'instruction de se rendre auprès de l'empereur Alexandre, ou de son ministre des affaires étrangères, et de voir s'il n'y aurait pas moyen de revenir sur la sommation du prince Kourakin, et de concilier l'honneur de la France et l'intérêt de ses alliés avec l'ouverture des négociations.
Le même esprit qui régnait dans le cabinet russe empêcha, sous différens prétextes, le comte de Lauriston de remplir sa mission ; et l'on vit pour la première fois un ambassadeur ne pouvoir approcher ni le souverain, ni son ministre dans des circonstances aussi importantes.
Le secrétaire de légation Prévost apporta ces nouvelles à Gumbinnen, et l'empereur donna l'ordre de marcher pour passer le Niémen : «Les vaincus, dit-il, prennent le ton de vainqueurs ; la fatalité les entraîne, que les destins s'accomplissent.» S.M. fit mettre à l'ordre de l'armée la proclamation suivante :
Soldats,
La seconde guerre de
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