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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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faut piller les greniers et les coffres. Et que les soldats se parent des bijoux et des colliers volés, brandissent les poignards et les sabres courbes.
    Dans les rues de Galera le sang ruisselle, les têtes décapitées roulent, boulets de chair, comme au fort Saint-Elme !
    Qu’on rase les murs, qu’on brûle tout ce qui peut être brisé, qu’on répande du sel sur cette terre où s’élevait la ville de Galera dont même le souvenir doit être effacé !
    Et qu’on agisse de même dans le quartier de l’Albaicín, à Grenade. Qu’on incendie ces palais maures, ces maisons opulentes où vivaient les riches convertis.
    Plus de conversions. Des exécutions ! Des déportations !
    Qu’on expulse les survivants, qu’ils aillent comme esclaves en Castille ou bien qu’ils quittent l’Espagne et rejoignent les terres barbaresques.
    Ils sont des milliers à avoir été chassés du quartier d’Albaicín, à mourir sur les routes de Castille et d’Estrémadure ; des milliers d’autres, séparés de leurs femmes et de leurs enfants, à tenter de s’embarquer pour fuir, à mourir égorgés sur les plages.
    Je suis las de tuer, de m’emparer de ces nids d’aigle où s’accrochent des combattants.
    Exténué, le dégoût m’emplit la bouche quand, la bataille finie à Serón, puis dans la sierra de l’Alpujarras et dans la vallée de l’Almenzova, je vois tous ces corps massacrés.
    Plus au nord, vers Guadix, nous mettons le feu aux récoltes, nous abattons les arbres fruitiers, nous tuons tous les hommes, y compris ceux qui ont cousu sur leur épaule une croix rouge en signe de soumission.
    C’est le sang maure qu’il faut faire couler, même si celui qu’il irrigue se dit chrétien.
    Quand je marche parmi les morts, je cherche Aïcha la Mauresque au sabre courbe, celle par qui j’ai appris ce qu’était la chair brûlante d’une femme, celle qui m’a permis de fuir la prison chrétienne où le capitaine général de Grenade m’avait enfermé.
    Mais personne ne sait ce qu’est devenue cette femme aux cheveux dénoués, Aïcha la combattante.
    En revanche, j’ai vu Juan Mora.
    Pour racheter leur vie, quelques Maures lui ont tendu un piège, puis l’ont assassiné.
    Ils sont rentrés dans Grenade avec son cadavre attaché sur un mulet.
    Ils l’ont déposé devant le Palacio del Audiencia. La foule s’est rassemblée. Je me suis approché et j’ai reconnu Juan Mora dont la tête ne tenait plus au tronc que par quelques lambeaux de chair.
    La foule crie, exulte.
    Don Juan lève le bras et l’on commence à dépecer la dépouille. On exhibe la tête. Elle sera exposée sous la voûte de la Puerta Real. Celui qui osera enlever la tête du traître sera puni de mort.
    Les tambours battent.
    Don Juan se penche vers moi.
    — Guerre noire ! murmure-t-il.

39.
    Seigneur, est-ce pour oublier le noir de cette guerre, couleur de deuil et de sang séché, que des jours et des nuits durant je me suis vautré dans la débauche ?
    Après qu’on eut célébré notre victoire et accroché la tête de Juan Mora à la voûte de la Puerta Real, j’ai parcouru les rues du quartier de l’Albaicín, grisé par le silence qu’accompagnait seulement la rumeur des fontaines.
    J’ai erré, rencontré parfois des groupes de soldats écrasés sous des sacs remplis du fruit de leur pillage.
    Chassés de leurs demeures, séparés de leurs femmes et de leurs enfants, les riches Maures de l’Albaicín devaient, sur les chemins déjà enneigés des sierras, marcher vers le nord.
    Je les avais vus se rassembler, s’étreindre avant de s’éloigner, parfois sous les coups, et longer cette muraille arabe qui, jadis, quand Grenade était la capitale de leur royaume, protégeait la ville et la splendeur souveraine de l’Alhambra.
    Ils n’étaient plus que des esclaves que l’on poussait vers l’Estrémadure et la Castille. Et don Juan – j’entends encore sa voix un peu tremblante – avait dit, en suivant des yeux ces cortèges de la défaite, donc de l’humiliation et du dénuement :
    — Je ne sais si l’on peut imaginer pire misère humaine que le départ de tant de gens dans une aussi grande confusion, parmi les pleurs de femmes et d’enfants, tous croulant sous le poids de leurs ballots et de leurs bagages… En vérité, Bernard de Thorenc, s’ils ont péché, ils le paient cher.
    Je voulais chasser ces images et cette compassion de ma tête.
    Des femmes sont arrivées de Tolède et de Valladolid,

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