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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de Madrid et de Ségovie, parce que là où il y a des soldats sous les armes, la guerre, le sang noir répandu, la mort, l’homme a besoin de serrer contre lui la chair d’une femme pour se rappeler que la vie existe, qu’elle l’emporte encore, que tous les cris ne sont pas ceux de la douleur.
    Par une nuit de février, alors que la neige tombait sur Grenade, j’ai vu descendre d’une voiture chargée de coffres une femme emmitouflée, un capuchon de fourrure dissimulant son visage, entrer dans le Palacio del Audiencia, et les rires, les éclats de voix envahir la nuit.
    C’était Maria de Mendoza, une cousine d’Anna Mendoza de la Cerda, princesse d’Eboli, aussi belle que cette dernière, mais sans qu’un bandeau noir sur un œil éteint ajoute énigme et perversité à ses traits.
    Dès lors, don Juan n’a plus quitté le Palacio.
    On murmurait que cette Maria Mendoza était déjà grosse d’un bâtard du même don Juan et qu’elle s’apprêtait à se retirer dans un couvent après avoir donné naissance à l’enfant.
    Mais, pour l’heure, le vent glacé qui descendait des sierras emportait les chansons du plaisir.
    Je me suis donc rendu dans le quartier de l’Albaicín. J’ai croisé des soldats qui entouraient et lutinaient une femme échevelée, au regard perdu, sans doute dénichée dans l’une des demeures abandonnées.
    Et j’ai envié ces hommes, Seigneur !
    J’ai oublié les propos du père Verdini qui avait lui aussi rejoint Grenade en compagnie de don Juan dont il était devenu l’un des chapelains.
    — Ne remettez pas à demain, Bernard, m’avait-il dit. Vous devez semer, si vous voulez récolter avant les orages qui accompagnent la fin de toutes les vies. Prenez femme, Bernard. C’est le devoir du chrétien. Et, jusqu’à ce jour, vivez et agissez avec un grand souci de votre pureté, car pécher contre la chasteté n’est pas seulement pécher contre Dieu, mais entraîne beaucoup de maux et fait tort aux affaires et au devoir.
    Je ne voulais pas écouter ces conseils.
    Dans ce quartier de l’Albaicín, le désir comme un vin acre m’emplissait la bouche.
    J’enviais ces soldats qui entraînaient cette pauvre femme.
    J’avais le sentiment qu’ici se trouvait le territoire de prise, que les prêches ne devaient point s’y faire entendre.
    Ici, c’était la loi du vainqueur qui devait s’imposer sans compassion.
    D’un coup de talon j’ai forcé la porte de ces palais maures.
    Je me suis avancé, la main sur la garde de mon épée.
    J’ai traversé des patios, écouté le bruit des fontaines, pénétré dans des chambres et laissé ma main glisser le long des tentures de soie et de velours.
    J’ai heurté des tables basses, renversé des porcelaines, fait tinter sur le sol des objets de métal sans distinguer s’il s’agissait de plats en cuivre repoussé ou de tasses et de théières encore pleines. Car j’avais l’impression que les propriétaires de ces palais s’étaient enfuis avant qu’on ne les en chasse : tout y était encore en place comme si le cours de leur vie, interrompu, allait reprendre.
    J’ai parcouru les pièces, écartant les rideaux, repoussant les volets, faisant entrer la lumière.
    Dans la plus reculée des chambres d’une de ces demeures, j’ai découvert, blottie derrière un grand paravent, une femme vêtue de soie bleue et qui serrait les genoux, jambes repliées, la tête posée sur les cuisses. J’ai pensé que le diable m’offrait un présent et que j’allais le saisir, dussé-je vivre le restant de mes jours en enfer.
    Oui, Seigneur, j’ai senti en moi gronder ce torrent de violence et de désir.
    Oui, Seigneur, j’ai été le carnassier qui découvre une proie. Je me suis approché de cette femme, encore une jeune fille, et l’ai saisie par les cheveux, la forçant à se redresser.
    Et je me suis senti fort comme un taureau qui voit devant lui la lueur aveuglante de l’arène, qui se précipite et ne se soucie pas de l’épée qui se cache derrière la muleta.
    J’ai été ce fauve furieux, ce porc qui grogne de plaisir en se roulant dans la fange.
    Seigneur, je ne mérite pas Votre pardon.
    Je me suis jeté sur cette femme comme aurait pu le faire Dragut-le-Débauché, Dragut-le-Cruel, ou l’un de ses soldats. Ou l’un des nôtres.
    J’en avais tant vu, au cours de cette guerre noire, qui, sur le bord des chemins, dans les décombres des villages, ployaient les femmes, les troussaient, leurs avant-bras

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