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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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complu.
    J’ai tenté de lui saisir la main.
    Je n’ai pas osé lui dire mes regrets, ce mot si minuscule pour exprimer ce que je ressentais, rappeler ce que je lui avais imposé et le plaisir que j’avais pris d’elle.
    J’étais prêt à la choisir pour épouse, lui ai-je dit.
    Elle m’a fixé avec effroi et dégoût. Mépris, aussi.
    J’ai murmuré que si elle restait seule dans ce palais, elle, fille de morisque, elle serait asservie, persécutée par des hommes sans doute plus brutaux que moi.
    Elle a dit qu’elle voulait mourir.
    J’ai réussi, Seigneur, à l’apaiser, et je me suis retiré de sa chambre, honteux de ce que j’avais vécu, restant devant sa porte à prier pour elle et pour moi.
    Les jours suivants, j’ai veillé sur Zora qui gisait à même le sol, les jambes repliées sur la poitrine, les mains jointes, les yeux fixes.
    Elle était comme un animal blessé qui se laisse mourir.
    J’ai tenté de lui parler, mais elle a paru ne pas m’entendre.
    J’ai prié, agenouillé près d’elle.
    Je Vous ai supplié, Seigneur, pour que Vous ne laissiez pas la mort l’entraîner. Mais c’était aussi pour moi que je Vous demandais cette grâce. Comment aurais-je pu lui survivre ?
    Une nuit, la tourmente m’a emporté.
    J’ai revu toute ma vie : en quoi avais-je été meilleur que Dragut-le-Cruel, que Dragut-le-Brûlé, que Dragut-le-Débauché ?
    J’avais été un infidèle à Votre foi, Seigneur.
    J’avais été le pire des renégats, car je n’avais pas cédé à la peur, à la torture, aucun bourreau ne m’avait menacé d’être écorché vif, comme les Turcs le faisaient avec les esclaves chrétiens.
    Comme peut-être ils l’avaient fait avec Michele Spriano.
    J’avais laissé le démon, qui est en chacun de nous, devenir mon maître.
    J’avais désiré et aimé le plaisir, et m’étais servi de Zora pour l’assouvir.
    J’avais été un bourreau.
    Je n’avais aucune excuse.
    Alors j’ai sangloté toute la nuit sans pouvoir maîtriser les tremblements de mon corps.
    Et je Vous ai supplié, Seigneur, pour que vous échangiez ma vie contre celle de Zora. Que Vous lui rendiez la paix en me précipitant en enfer. J’ai pleuré jusqu’à tomber d’épuisement, à l’aube. Et à m’endormir, peut-être seulement quelques brefs instants.
    Quand j’ai rouvert les yeux, j’ai vu Zora assise, jambes croisées.
    Elle me regardait.
    Puis elle s’est levée et j’ai marché derrière elle jusqu’à ce couvent des Cordelières, Santa Isabel la Real, qui se trouve dans le quartier de l’Albaicín, non loin de la muraille arabe.
    La supérieure nous a reçus et a accepté d’accueillir Zora.
    Je l’ai vue s’éloigner, accompagnée par deux religieuses, marchant lentement sous les voûtes du cloître.
    Au bout il y avait un mur crénelé et un bâtiment qui formait toute une aile du couvent. J’y ai vu disparaître Zora.
    La supérieure m’a dit qu’il s’agissait là des restes d’un palais mauresque qui portait le nom de Dar al-Horra.
    Elle m’a fixé, puis a murmuré que ces mots signifiaient : « la maison de la Chaste ».
    Seigneur, la vie est un labyrinthe dont Vous seul connaissez les détours et l’issue.

40.
    J’ai prié pour Zora dans la cathédrale de Grenade devant la statue de Santa Maria de la Incarnación.
    J’étais agenouillé auprès de don Juan.
    Il avait voulu, avant de quitter Grenade, communier dans cet édifice inachevé et dont le Sagrario, un bâtiment carré, couronné d’une coupole dorée, décoré de mosaïques, était l’ancienne Grande Mosquée de la ville maure.
    La statue de Santa Maria de la Incarnación se trouvait à l’entrée du Sagrario. Le père Verdini nous avait conduits jusqu’à elle.
    Je m’étais, la veille, confessé à lui. Il m’avait chuchoté que Dieu pouvait me racheter, que je devais prier jusqu’à faire de toute ma vie une longue, une éternelle oraison.
    C’était lui qui avait pris la tête de la petite troupe des proches de don Juan.
    Nous n’avions pu entrer par la Puerta Principal : des échafaudages, des tréteaux masquaient encore la façade de la cathédrale et les tours. Accroupis, des tailleurs de pierre dégrossissaient des blocs sur le parvis. On hissait des statues qui devaient prendre place dans les niches de la façade.
    Le père Verdini nous avait fait longer le bas-côté de la nef. Au moment où nous arrivions devant une porte étroite, il s’était effacé et nous avait

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