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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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arrivé pour assister la parturiente comme cela était depuis longtemps prévu, au grand dam, disait-on, du docteur Albert Weston Clarke, médecin de la bonne société insulaire. Alors que le temps de l'accouchement approchait, ce dernier n'avait plus caché son mécontentement. Mettre au monde le petit-fils ou la petite-fille du lord, propriétaire de l'île, ne relevait-il pas des prérogatives du médecin de la bonne société blanche de Soledad ? Car tout le monde savait, maintenant, que Simon Leonard Cornfield, quatrième lord de sa lignée, avait, devant ses notaires de Londres, officiellement adopté Ounca Lou comme sa fille cadette, la loi britannique ne permettant pas la reconnaissance de paternité qu'il eût préférée. Le major Carver et l'intéressée avaient, en même temps, reçu chacun une lettre de Londres les informant du changement d'état civil de Mme Desteyrac. Ainsi, quand le Phoenix regagnerait Soledad avec lord Simon et sa suite, tous les îliens, des notables aux pêcheurs d'éponges, sauraient à quoi s'en tenir.
     
    Bien qu'il fût rassuré par le choix du docteur Kermor pour accoucher sa femme, Charles s'était demandé et se demandait encore pourquoi Weston Clarke avait été évincé, même en simple témoin, de la mise au monde de son enfant. Il subodorait derrière cette désobligeance manifeste un des mystères dont regorgeait l'île du lord des Bahamas. Charles, au fil des ans, avait été initié à certains des secrets qui, éveillant la curiosité des étrangers, contribuaient à ciseler, dans l'archipel et au-delà, la légende de Soledad.
     
    Tandis qu'on achevait la toilette du bébé et de sa mère, Edward Carver, ayant traversé au grand trot le pont de Buena Vista, se présenta devant le manoir de Lamia pour féliciter l'heureux père. De plus en plus mince et sec, comme rétréci par l'âge, noueux tel un bâton de ronce, le major, avant de s'asseoir face à Charles, posa sur un guéridon une bouteille de champagne français.
     
    – Ce nectar, réservé pour la célébration d'un événement d'importance, vient de ma cave, dit-il.
     
    – Peut-être tiré d'un navire échoué par nos vaillants wreckers 2 , risqua Charles en riant.
     
    Tout le monde, dans l'archipel, connaissait l'activité ancestrale des indigènes, pilleurs d'épaves et, à l'occasion, naufrageurs.
     
    – Mon champagne vient de Reims, par mer, certes, mais à bord de bateaux qui ne se brisent pas sur nos récifs, mon cher !
     
    – Je n'en doute pas, major. Je plaisantais, bien sûr !
     
    – Les nouveaux pères ont toujours besoin d'un verre de vin pétillant pour se remettre de leurs émotions, n'est-ce pas ? Ma Mae va nous rafraîchir ça et nous porter des verres, dit-il à la cuisinière, venue identifier le visiteur.
     
    Le major parut soudain à Charles l'interlocuteur idéal pour poser la question qui le tenaillait de façon exagérée depuis plusieurs semaines.
     
    – Pourquoi, diable, avoir tenu ce bon Weston Clarke à l'écart de l'accouchement de ma femme ? Il a, m'a-t-on dit, mis au monde en Angleterre des tas d'enfants, et de la meilleure société.
     
    – C'est un excellent médecin, concéda Carver, éludant la question.
     
    – Alors, pour quelle raison lui avoir infligé un tel affront ? Car Albert prend comme tel l'ostracisme dont il a été l'objet. Timbo me l'a dit et a même ajouté que le médecin aurait perdu l'appétit et le sommeil.
     
    Le major eut un sourire moqueur et le geste de qui chasse une mouche.
     
    – Je mets en doute la véracité des confidences de votre domestique, Charles.
     
    – Dorothy Weston Clarke répète à qui veut l'entendre que son mari a laissé spontanément à son confrère, médecin de la marine et des indigènes, le soin d'accoucher Mme Charles Desteyrac. « Elle a du sang arawak : il est mieux qu'elle soit assistée par un médecin habitué aux façons des Indiennes », aurait-elle dit, ce qui traduit plus de dépit que de considération pour Ounca Lou, insista Charles.
     
    – Commérages que tout cela, fit le major.
     
    – Ne serait-ce que pour ne pas commettre d'impair, je voudrais tout de même bien connaître la ou les raisons de l'éviction de Weston Clarke. D'autant plus que lady Lamia ne m'a pas demandé mon avis avant de fixer son choix sur Uncle Dave, observa Charles avec un peu d'humeur.
     
    – Chez nous, la mise au monde d'un enfant est l'affaire des femmes, mon cher.
     
    – Vous ne

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