Révolution française Tome 1
parties. Il est donc urgent de repolicer par des lois
exécutables ce malheureux pays que la simple déclaration des droits de l’homme
a plus décivilisé que ne l’aurait fait une irruption de tous les sauvages du
nord de l’Amérique. »
Il faut agir, accepter, et même susciter la guerre avec les
souverains étrangers. Et puisque, parmi les Jacobins, Brissot, Vergniaud, la
majorité veulent l’affrontement, dans l’espoir, comme le dit Brissot, d’accuser
la Cour de complicité avec l’ennemi, il faut aller dans leur sens.
Brissot dit : « Les grandes trahisons ne seront
funestes qu’aux traîtres. Nous avons besoin de grandes trahisons. »
Soutenons-le.
Prenons garde à Robespierre qui se méfie de la guerre :
« Domptons nos ennemis intérieurs et ensuite marchons contre nos ennemis
étrangers », dit-il.
Retournons le plan de Brissot qui répète : « Voulez-vous
détruire d’un seul coup l’aristocratie, les réfractaires, les mécontents ?
Détruisez Coblence, le chef de la nation sera forcé de régner par la Constitution. »
Et si au contraire la guerre rendait au roi toute sa
puissance ? Et balayait la Constitution ?
Louis écoute Marie-Antoinette, elle-même conseillée par
Fersen. Sa décision est précise : il va se présenter à l’Assemblée
nationale le 24 décembre, dire qu’il est prêt à sommer l’électeur de Trêves de
disperser, avant le 15 janvier 1792, les émigrés qui se rassemblent dans l’électorat.
N’est-il pas un bon défenseur de la Constitution et de la
nation ?
Mais Louis prend la plume et adresse un courrier à Breteuil,
qui dans l’émigration est son représentant.
Il écrit d’une main qui ne tremble pas, pour exposer ses
objectifs : « Au lieu d’une guerre civile ce sera une guerre
politique, et les choses en seront bien meilleures. L’état physique et moral de
la France fait qu’il lui est impossible de soutenir une demi-campagne… Il faut
que ma conduite soit telle que dans le malheur, la Nation ne voie de ressources
qu’en se jetant dans mes bras. »
Louis est heureux de l’intimité et de la complicité que la
situation, les malheurs, ont fait naître entre lui et Marie-Antoinette.
C’est elle qui lui demande d’écrire au roi de Prusse. Et le
canevas de la lettre a été préparé par Fersen.
« Un congrès des principales puissances de l’Europe
appuyé d’une force armée serait la meilleure manière pour arrêter ici les
factieux, donner les moyens de rétablir un ordre plus désirable et empêcher que
le mal qui nous travaille puisse gagner les autres États de l’Europe. »
Mais Louis est inquiet. Il craint l’un de ces sursauts du
peuple qui l’ont tant surpris depuis trois ans.
Ce Robespierre a été élu accusateur public à Paris. Pétion a
été, lui, élu maire de Paris. Il est vrai par six mille sept cent vingt-huit voix
pour un corps électoral de quatre-vingt-deux mille citoyens actifs et une
population parisienne de plus de six cent mille habitants !
De quoi est capable ce peuple immense, et dont les citoyens
les plus éclairés, les plus aisés, au lieu de choisir des Feuillants élisent
des Jacobins ?
Louis lit avec attention ces prophéties de Robespierre :
« Malheur à ceux qui n’immoleront pas au salut public l’esprit
de parti, leurs passions et leurs préjugés même… Car nous touchons à une crise
décisive pour notre révolution. »
Louis partage ce sentiment.
Il a choisi – mais y avait-il une autre route ? – de
soutenir la marche à la guerre, mais l’affrontement n’existait-il pas déjà à l’intérieur
des frontières ?
« Guerre politique au lieu de guerre civile », a-t-il
écrit. C’était le seul parti possible à moins d’être lâchement soumis à l’Assemblée ;
aux enragés du Palais-Royal.
Et cela il ne le peut pas.
Il reste à espérer.
Il a pris connaissance de la lettre que Marie-Antoinette
vient, ce 9 décembre 1791, de faire parvenir à Fersen : « Je crois, écrit
la reine, que nous allons déclarer la guerre non pas à une puissance qui aurait
les moyens contre nous, nous sommes trop lâches pour cela, mais aux électeurs
et à quelques princes d’Allemagne, dans l’espoir qu’ils ne pourront pas se
défendre. Les imbéciles ne voient pas que, s’ils font une telle chose, c’est
nous servir, parce que enfin il faudra bien, si nous commençons, que toutes les
puissances s’en mêlent pour défendre les droits de
Weitere Kostenlose Bücher