Révolution française Tome 1
affrontements sauvages, qui
rappellent ceux des guerres de religion.
En Vendée, les prêtres réfractaires persuadent les fidèles
que les mariages et les baptêmes célébrés par des prêtres constitutionnels sont
nuls et sans valeur, qu’il faut donc se remarier, se rebaptiser. Et le trouble,
le désarroi, et la colère saisissent les familles.
Louis est blessé dans sa foi par cette atteinte à la
religion du royaume.
Il sait que plusieurs des nouveaux députés – Brissot, Vergniaud,
journalistes, avocats (quatre cents inscrits au barreau) dont un grand nombre
ont moins de trente ans – ont fréquenté les clubs, les sociétés de pensée, les
assemblées populaires, les loges maçonniques, et sont athées. Leurs
prédécesseurs à l’Assemblée nationale constituante – ainsi Robespierre – étaient
déistes, croyaient à l’Être suprême.
Et Louis ne peut accepter de sanctionner le décret qui
déclare suspects de révolte tous les prêtres qui refuseront le serment et leur
retire leur pension, les éloigne ou les punit de deux ans de détention, et
interdit le partage des églises entre les réfractaires et les constitutionnels.
Louis usera de son droit de veto.
Et il fera de même contre un décret qui exige le retour en
France des émigrés – et des dizaines de milliers ont quitté le royaume – dans
un délai de deux mois, sinon ils seront poursuivis comme conjurés et punis de
confiscation des biens et de mort.
Louis a certes demandé à son frère comte de Provence de
rentrer, tout en sachant bien que celui-ci refusera.
Mais c’est manière de tenter de montrer qu’il n’est pas
complice des émigrés rassemblés en une « armée » à Coblence.
Et il n’a fait qu’appliquer la Constitution en utilisant ce
droit de veto qu’on lui a attribué.
Mais au Palais-Royal, on l’accuse de trahison. Ce veto, écrivent
les journaux patriotes, « est un boulet que l’Assemblée nationale s’est
condamnée à traîner avec elle ».
Et Brissot, à la tribune de l’Assemblée, déclare qu’il faut
sommer les souverains étrangers d’expulser les émigrés.
« Il est temps, dit-il, de donner à la France une
attitude imposante, d’inspirer aux autres peuples le respect pour elle et pour
sa Constitution. »
Louis relit ce discours de Brissot, ces mots qui tonnent, que
reprend un autre député, Isnard, en condamnant les « endormeurs ».
Louis est fasciné et révulsé par la violence des articles du Père Duchesne pour qui les prêtres réfractaires ne sont qu’une vermine, « des
monstres plus cruels et plus féroces que des tigres et dont il faut enfin
purger la terre ».
« … Il n’y a qu’à un beau jour me foutre tous ces
bougres-là sur des navires et les amener à Cayenne… foutre il faut trancher
dans le vif ! »
Louis se souvient des têtes au bout des piques, de cet homme
égorgé dans un fossé, non loin de Châlons-sur-Marne, lors du retour de Varennes.
Ce ne sont donc pas seulement les prêtres réfractaires qui sont condamnés. Le
Père Duchesne désigne aussi à la haine les émigrés.
« Je veux, foutre, qu’on n’épargne pas davantage toute
la foutue canaille des ci-devant.
« Il faut nous emparer de leurs femmes et de leurs
enfants et les foutre à la gueule du canon. Nous verrons, foutre, s’ils sont
assez scélérats pour tirer sur ce qu’ils ont de plus cher et pour se frayer un
chemin sur leurs cadavres. »
Comment Louis, lié à cette noblesse qui est l’ossature du
royaume, lui qui en est l’incarnation et l’expression, qui est leur roi, comment,
monarque de droit divin, pourrait-il accepter de se plier à cette volonté de
détruire et la noblesse et le clergé ?
D’ailleurs, même s’il a prêté serment à la Constitution, on
l’accuse de « grimace et de tartuferie » !
Chaque camp hait l’autre, et craint d’être massacré.
Le Parisien par l’émigré et l’étranger, le noble par le
révolutionnaire enragé !
Le risque est celui de la guerre civile : « Fous
contre fous, enragés contre enragés, oh la belle opposition ! Quelle
maladie grand Dieu. »
Louis murmure :
« L’esprit infernal a pris le dessus en France, le don
de Dieu s’est retiré de nous. »
Et Louis partage le sentiment de Suleau, ce journaliste
royaliste, qui écrit : « Les esprits sont aigris, les cœurs ulcérés, les
vues sont divergentes, les intentions se croisent… La France est désorganisée
dans toutes ses
Weitere Kostenlose Bücher