Révolution française Tome 2
ajoute que le seul moyen de
consolider la Révolution, c’est « d’écraser les aristocrates et les
modérés dans la fureur de la guerre. »
À entendre ces mots, à découvrir cet amalgame entre modérés
et aristocrates, l’inquiétude, l’angoisse saisissent un grand nombre de
citoyens.
Les premières mesures prises par la Convention « épurée »
sont en faveur des « petits » paysans, auxquels on offre la
possibilité d’acquérir par petits lots les biens nationaux, ou bien des
parcelles de « communaux », et d’accéder ainsi à la propriété. Dans
la Constitution de l’an I de la République qui s’élabore, on proclame que « le
but de la société est le bonheur commun ». On affirme le droit au travail,
à l’assistance, à l’instruction.
En même temps on proclame le « droit de propriété »
et la « liberté de travail, de culture, de commerce, d’industrie ». Mais
est-ce autre chose que des mots ?
Et il y a cet article 35, si général dans les termes qu’il
peut permettre toutes les interprétations :
« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection
est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré et le plus indispensable
des devoirs. »
Qui définira les « droits du peuple », la « portion
du peuple » ? Sera-ce Jacques Roux l’Enragé, qui déclare qu’il ne
faut mettre sous les yeux du peuple que les dangers de la patrie ? Et qu’il
faut « sonner dans toute la France le tocsin de l’insurrection » ?
Robespierre, aux Jacobins, d’un ton méprisant s’en prend à
Jacques Roux, « un intrigant, un homme ignare, un mauvais sujet, un faux
patriote ».
Et l’incorruptible distille le poison.
« Croyez-vous, dit-il, que tel prêtre, qui de concert
avec les Autrichiens dénonce les meilleurs patriotes, puisse avoir des vues
bien pures, des intentions bien légitimes ? »
Voilà le soupçon de la trahison inoculé.
Il faut bâillonner ce Jacques Roux, dont la parole est écoutée
par le peuple, il faut faire taire cet Enragé qui s’en prend aux Montagnards, à
Danton, à Robespierre, qui ose dire :
« Les riches seuls depuis quatre ans ont profité des
avantages de la Révolution… Il est temps que le combat à mort que l’égoïste
livre à la classe la plus laborieuse de la société finisse. » Roux martèle
les mots à la tribune de la Convention.
Il parle au nom des Cordeliers, auxquels se sont jointes les
sections de Bonne-Nouvelle et des Gravilliers. C’est une sorte de Manifeste des
Enragés qu’il présente, interpellant les députés de la Montagne :
« Députés de la Montagne, que n’êtes-vous montés depuis
le troisième jusqu’au neuvième étage des maisons de cette ville révolutionnaire,
vous auriez été attendris par les larmes et les gémissements d’un peuple
immense, sans pain et sans vêtements, réduit à cet état de détresse et de malheur
parce que les lois ont été cruelles à l’égard du pauvre, parce qu’elles n’ont
été faites que par les riches et pour les riches, Ô rage, ô honte du XVIIIe
siècle ! »
Les députés se lèvent, le conspuent.
Robespierre reste figé mais son visage est plus pâle que d’habitude,
ses lèvres plus pincées encore.
Il n’accepte pas cette remise en cause.
C’est Maximilien Robespierre et lui seul qui doit parler au
nom du peuple et dans l’intérêt du peuple.
N’a-t-il pas dit, dès le 6 juin :
« Les dangers intérieurs viennent des bourgeois, pour
vaincre les bourgeois, il faut rallier le peuple » ?
Les bourgeois, ce sont les Girondins.
« Il faut que l’insurrection actuelle continue, poursuit
Maximilien, jusqu’à ce que les mesures nécessaires pour sauver la République
aient été prises… Il faut procurer des armes aux sans-culottes, les colérer, les
éclairer : il faut exalter l’enthousiasme républicain, par tous les moyens
possibles. »
Mais chez de nombreux citoyens, qui ne sont pas enrôlés dans
l’un ou l’autre parti, qui ne suivent ni les Cordeliers, ni les Enragés, ni les
Girondins, ni les Jacobins, qui tentent seulement de comprendre ce qui survient
dans cette Révolution qu’ils ont approuvée, dont ils furent souvent les acteurs,
l’enthousiasme s’épuise, même si la volonté de défendre ce qui a été acquis
depuis 1789 demeure.
« Je suis inquiet, tout patriote que je suis, de ce qui
se passe chez les Jacobins où je ne suis pas allé,
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