Révolution française Tome 2
est passé, nous lui avons jeté une couronne… Je
ne pouvais rester seule et supporter les terribles pensées qui allaient m’assiéger.
Je courus chez Danton, il fut attendri de me voir encore pâmée. »
Les Jacobins craignent que les « aristocrates », et
ceux qu’ils soudoient ou entraînent, ne les assassinent et ne préparent un
assaut contre les sans-culottes et la Convention.
Robespierre accuse le ministre de l’intérieur, le Girondin
Roland, d’avoir partie liée avec les aristocrates.
Et Roland démissionne, mais le procès des Girondins continue.
N’ont-ils pas, au cours du procès du roi, tenté d’en appeler
au jugement du peuple, puis évoqué le sursis ?
Alors que cent pour cent des Montagnards ont voté la mort, et
qu’il s’est trouvé trente-huit pour cent de députés de la Plaine pour voter
avec eux, seuls quatorze pour cent des Girondins ont choisi d’être des
régicides.
Aux yeux des plus déterminés des Jacobins, cette « prudence »
des Girondins n’est qu’un calcul coupable et dangereux à l’heure des périls.
Car dès le 28 janvier, le comte de Provence, frère du roi en
exil à Hamm, en Westphalie, a proclamé, dans une déclaration aux émigrés, le
dauphin roi de France et de Navarre sous le nom de Louis XVII. Lui-même s’est
institué régent, son frère cadet, le comte d’Artois, devenant lieutenant
général du royaume.
Le programme du comte de Provence veut effacer la Révolution.
Il faut rétablir la monarchie sur les bases inaltérables de
son antique constitution et la « religion de nos pères » dans la
pureté de son culte et de sa discipline. Il faut redistribuer à leurs légitimes
possesseurs les « biens nationaux », punir les crimes commis depuis
1789, et venger le sang de Louis XVI.
Ces paroles ne paraissent pas vaines.
Le jour de la mort de Louis XVI, la Cour d’Angleterre a pris
le deuil. Autour d’elle, une première coalition s’est constituée avec l’Espagne,
le Portugal, la Sardaigne, le royaume de Naples, la Hollande, les États
allemands, l’Autriche, la Prusse, la Russie.
Face au député montagnard Barère, ancien avocat au parlement
de Toulouse, qui du haut de la tribune de la Convention déclare : « Un
ennemi de plus pour la France n’est qu’un triomphe de plus pour la liberté »,
Marat et Brissot -1’« Exagéré » et le Girondin pour une fois d’accord
– mettent en garde contre les illusions.
« Comme je connais l’Angleterre, dit Marat, je ne puis
me dispenser d’observer que c’est à tort que l’on croit ici que le peuple
anglais est pour nous. »
Brissot ajoute que le cabinet anglais a par ses calomnies
réussi à « dépopulariser notre révolution dans l’esprit des Anglais et à
populariser la guerre ».
« Citoyens, continue Brissot, il ne faut pas vous
dissimuler les dangers de cette nouvelle guerre ; c’est l’Europe entière, ou
plutôt ce sont tous les tyrans de l’Europe que vous avez maintenant à combattre
et sur terre et sur mer. »
Alors : « Il faut que la grande famille des
Français ne soit plus qu’une armée, que la France ne soit plus qu’un camp où l’on
ne parle que de la guerre, où tout tende à la guerre, où tous les travaux n’aient
pour objet que la guerre. »
Mais la guerre exige la traque de l’ennemi et de ses
complices, installe le règne du soupçon, la crainte – et la réalité – des
conspirations, des trahisons. Et donc la mort qu’on donne et qu’on magnifie :
Mourir pour la patrie
Est le sort le plus beau
Le plus digne d’envie.
Danton s’écrie : « Ô Le Peletier, ta mort servira
la République ! Je l’envie, ta mort ! »
Robespierre, dans un discours aux Jacobins, le 13 mars 1793,
s’écrie, alors que la situation militaire devient difficile, que les
contre-attaques autrichiennes obligent les armées de Dumouriez qui étaient
entrées en Hollande à reculer en Belgique :
« Nous saurons mourir, nous mourrons tous ! »
Marat lui répond aussitôt :
« Non, nous ne mourrons point, nous donnerons la mort à
nos ennemis et nous les écraserons. »
Et Danton exalte lui aussi l’unité :
« Maintenant que le tyran n’est plus, tournons toute
notre énergie, toutes nos agitations vers la guerre… Citoyens, prenez les rênes
d’une grande nation, élevez-vous à sa hauteur… »
C’est un « duel à mort » qui s’engage.
Le marquis de La Rouerie, qui avait échoué au mois
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