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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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à l’époque ne me
dirent pas grand-chose, bien que je me rappelasse avoir entendu Pierre utiliser
l’un de ces mots. Éberlué de constater à quel point l’abbé semblait outré de
nous trouver en train d’effectuer nos dévotions, je demeurai où je me trouvais,
le sarrau relevé sur mon arrière-train.
    —  Ne, ne, beugla Frère Pierre, terrorisé. Nist,
Nonnus Clément, nist Sodomiza ! Ni allis ! [6]
    —  Im ik blinda, niu ? [7] demanda
rudement l’abbé.
    —  Ne, Dom Clément, hennit Pierre. Et justement,
comme vous ne l’êtes pas, je vous adjure de regarder ce que je vous indique. Il
n’y avait rien de sodomitique là-dedans, Nonnus. Akh, j’avais tort,
c’est sûr. J’ai honteusement succombé à la tentation, je l’avoue, mais
donnez-vous juste la peine de regarder, Nonnus Clément, la chose perfide
qui, cachée depuis si longtemps, a fini par me tenter.
    L’abbé l’écrasa d’un regard courroucé, mais opérant autour
de moi un mouvement tournant, il sortit de mon champ visuel, et je n’eus aucun
mal à deviner ce que Pierre lui indiquait du doigt, lorsque Dom Clément manqua
presque de s’étrangler d’un nouveau «  Liufs Guth ! » .
    —  Ja, plaida Pierre, ajoutant pieusement :
Et je rends grâce au bon Dieu que ce soit moi, humble nouvel arrivant qui ne
suis qu’un simple pedisequus [8] , à avoir été le premier séduit
par le fruit interdit de ce faux garçon, lequel est en fait une secrète Ève
aussi tentatrice que put jadis l’être le serpent. Je remercie le liufs Guth qu’elle n’ait pas pris au piège de ses charmes l’un de vos moines plus dignes
que moi, ou même…
    —  Slavaith ! [9] glapit
l’abbé, rabaissant d’un geste ma robe pour cacher mon intimité, car un certain
nombre de frères, alertés par les éclats de voix, s’étaient groupés à la porte
de la cuisine et y jetaient des regards inquisiteurs.
    — Vous, Frère Pierre, filez au dortoir et demeurez-y
sur votre paillasse. Je m’occuperai de vous plus tard. Frère Babylas, Frère
Stéphane, entrez ici, et veuillez porter ces plateaux et pichets jusqu’aux
tables du réfectoire.
    Il se tourna vers moi.
    — Thorn, mon fils, euh… mon enfant… venez avec moi.
    Les appartements de Dom Clément consistaient en une pièce
unique. Bien que séparée du dortoir réservé aux moines, elle était tout aussi
froide et austère. L’abbé semblait assez embarrassé quant à ce qu’il allait
bien pouvoir me dire, aussi s’absorba-t-il préventivement dans une fervente
prière, dans l’attente sans doute de quelque salutaire inspiration. Puis il se
releva sur ses genoux décharnés, et me fit signe de me relever moi aussi. Il me
questionna un petit moment, avant de m’annoncer ce qu’il allait devoir faire de
moi, à présent que mon « secret » se trouvait dévoilé. Cette décision
nous rendit tous deux fort mélancoliques, car notre lien mutuel était profond.
     
    *
     
    Dès le lendemain, sous la conduite personnelle de Dom
Clément, qui m’aida à transporter mes quelques effets personnels, je fus
emmenée [10] ,
à l’autre bout de la vallée, au couvent qui faisait le pendant de Saint-Damien,
l’abbaye Sainte-Pélagie la Pénitente. Cet établissement était peuplé de nonnes,
vierges ou veuves, qui toutes avaient dédié leurs jours à une vie de cénobites.
    Dom Clément me présenta à la vieille abbesse, Mère Aethera.
Elle fut totalement stupéfaite, car elle m’avait souvent vue, quand je
travaillais durant la journée aux champs de Saint-Damien. L’abbé dut lui
demander de nous faire conduire dans une chambre privée, où il me fit pencher comme
l’avait si souvent exigé Frère Pierre, détournant chastement les yeux tandis
qu’il relevait les pans de ma robe de bure, exposant mes parties intimes à
l’œil de l’abbesse. Elle émit alors une exclamation d’épouvante – le
sempiternel «  Liufs Guth ! »  – et d’un geste sec,
recouvrit aussitôt mon arrière-train. Elle et l’abbé s’engagèrent alors dans
une conversation animée en latin, mais à voix suffisamment basse pour que je ne
puisse l’entendre. L’entrevue se ponctua par mon admission au couvent avec le même
statut que celui dont j’avais joui au monastère : celui d’oblate, avec
l’attribution d’homme-à-tout-faire… ou plutôt en l’occurrence, maintenant, de
femme-à-tout-faire.
    Je reparlerai ultérieurement du temps que je passai à
Sainte-Pélagie.

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