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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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ne prennent cette couleur de peau
que bien plus tard après la naissance. Quand ils viennent au monde, ils ont le
teint aussi clair que celui des femmes blanches.
    Elle se leva et transporta son paquet en dehors de la
chambre. Quand la porte s’ouvrit, je fus surpris de voir la lumière éclatante
du jour. Avais-je passé ici la nuit entière, étions-nous le lendemain ?
Mes compagnons devaient se demander avec inquiétude pourquoi je les avais
quittés en leur laissant tout le travail à faire. Je m’habillai donc
précipitamment. Lorsque Chiv revint dans la pièce, débarrassée du paquet, je
dis, histoire de parler un peu :
    — De ma vie entière, jamais je ne pourrai plus
croire qu’une femme soit réellement désireuse de s’infliger une telle
horreur. Tu pourrais l’être, toi, Chiv ?
    — Non.
    — Alors, j’avais raison ? Tu faisais juste
semblant, tout à l’heure ? Tu n’étais pas du tout enceinte ?
    — Je ne suis pas enceinte.
    Pour une personne d’habitude très communicative, elle
était devenue plutôt sèche et cassante.
    — N’aie pas peur... Je ne suis pas fâché contre
toi. Je suis même heureux, pour ta santé s’entend. Maintenant, il faut que je
regagne le caravansérail. Je m’en vais.
    — C’est ça. Pars.
    Elle prononça ces mots comme si elle y ajoutait
« et ne reviens jamais ». Je ne voyais pas de raison valable à cet air
revêche. C’était moi, et moi seul, qui avais éprouvé toute cette souffrance. Je
soupçonnai d’ailleurs qu’elle avait peu ou prou contribué à altérer l’effet du
breuvage.
    — Elle est de fort mauvaise humeur, tu avais
raison, Shimon, lançai-je au Juif en sortant. Mais j’imagine que je te dois
encore de l’argent, non, avec tout ce temps que j’ai passé là-bas ?
    — Pourquoi ? Non ! répondit-il. Tu n’as
pas été plus long que d’habitude. Tiens, je te rends même un dirham, tu vois...
je suis honnête. Et voici ton couteau. Shalom.
    Ainsi, nous étions bien le même jour, et l’après-midi
n’était même pas très avancée. Pourtant, ma souffrance m’avait semblé durer un
temps infiniment long. Lorsque je ralliai l’auberge, j’y trouvai mon père, mon
oncle et Narine occupés à rassembler nos affaires et à préparer nos bagages,
parfaitement capables de se passer de mon aide, au moins dans l’immédiat. Je
descendis au bord du lac, là où les lavandières de Buzai Gumbad conservaient
toujours un morceau de la surface dégelé. L’eau était d’un bleu si froid
qu’elle semblait vouloir vous mordre, aussi le bain que je pris fut-il
sommaire : après m’être nettoyé les mains et le visage, je retirai mes
vêtements du haut pour m’asperger de quelques giclées la poitrine et les
aisselles. C’était la première toilette que je m’accordais depuis le début de
l’hiver.
    J’aurais du reste été révolté de ma propre odeur si
tous les autres n’avaient senti aussi mauvais, ou pire. Au moins, la sueur qui
m’avait imprégné dans la chambre de Chiv se trouva-t-elle quelque peu diluée.
Mes souvenirs de cette expérience se dissolvaient d’ailleurs au même rythme.
Car ainsi en va-t-il de la douleur : pénible à endurer mais facile à
oublier. J’ai envie de dire, d’ailleurs, que c’est sans doute grâce à cela
qu’une femme, après avoir connu la déchirante agonie de la mise au monde d’un
bébé, peut envisager d’en réitérer l’épreuve.
    La veille de notre départ du Toit du monde, nous
reçûmes la visite du hakim Mimbad, dont le convoi était aussi en
partance. Il vint au caravansérail pour nous faire ses adieux et fournir à
l’oncle Matteo le complément de médicaments dont il aurait besoin pour le
voyage. Puis, devant mon père et mon oncle ébahis, je déclarai tout de go au
médecin que son philtre avait échoué, ou plutôt qu’il avait fait effet, mais à
un degré bien plus intense qu’escompté. Je lui décrivis de façon plaisante et
pittoresque ce qui m’était arrivé, mais, au-delà de mon enthousiasme apparent,
il sentit bien que mon ton était en réalité franchement accusateur.
    — La fille a certainement dû interférer
là-dedans, conclut-il. Je le craignais, du reste. Mais nulle expérience ne
demeure inutile, pourvu que l’on parvienne à en tirer quelque leçon. As-tu
appris quelque chose de nouveau ?
    — Simplement que la vie d’un homme débute et s’achève
dans la merde, ou la kut, comme vous l’appelez. Non, autre

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