Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II
doit être plus pesant que l'or :
ainsi il est possible que le fluide dense, qui forme la partie intérieure du globe, ne soit que de l'air comprimé ; et comme, quand l'air dense est échauffé, son expansion a de la force en raison de sa densité, cet air central peut être cause qu'un autre agent bouleverse la surface du globe, pendant qu'il sert lui-même à tenir en activité les feux souterrains. Cependant, la raréfaction soudaine de l'eau peut, ainsi que vous l'observez, être sans le secours de ces feux, assez forte pour cela, lorsqu'elle agit entre la terre, qui la presse, et le fluide sur lequel elle repose.
Si l'on pouvoit s'abandonner à son imagination pour expliquer comment le globe a été formé, je dirois que tous les élémens étoient divisés en petites parties et confusément mêlés, qu'ils occupoient un grand espace, et qu'aussitôt que l'Être Suprême a ordonné l'existence de leur gravité, c'est-à-dire, l'attraction mutuelle de certaines parties, et la répulsion mutuelle des autres, tous ont tendu vers leur centre commun. Je dirois que l'air étant un fluide, dont les parties repoussent toutes celles qui leur sont étrangères, il a été entraîné vers le centre commun, par sa gravité, et devoit être plus dense à mesure qu'il approchoit plus de ce centre ; que conséquemment tous les corps, plongés dans cet air et plus légers que ces parties centrales, ont dû s'éloigner du centre et s'élever jusqu'à cette région, où la gravité spécifique de l'air étant la même que la leur, ils se sont arrêtés ; tandis que d'autres matières mêlées avec un air plus léger, sont descendues, et se rencontrant avec les premières, ont formé la coquille de la terre, et laissé l'atmosphère qui est au-dessus, presqu'entièrement dégagé de toutes les parties hétérogènes.
Le premier mouvement des parties de l'air vers leur centre commun, a dû occasionner un tourbillon, qui a été continué par la rotation du globe nouvellement formé, et le plus grand diamètre de la coquille s'est trouvé à l'équateur.
Ensuite, si par quelqu'accident l'axe du globe a été changé, le fluide dense et intérieur a dû, en changeant de forme, crever la coquille, et jeter les diverses substances, qui la composent, dans la confusion où nous la voyons.
Je ne veux pas, à présent, vous fatiguer de mes idées sur la manière dont a été formé le reste de notre systême terrestre. Les esprits célestes sourient de nos théories, et de la présomption avec laquelle nous osons les faire.
Je ne dois pas négliger de vous dire que votre observation sur la nature ferrugineuse de la lave que vomissent les volcans, m'a fait très-grand plaisir. Je me suis imaginé, depuis très-long-temps, que le fer contenu dans la substance du globe, l'a rendu propre à être, comme il est en effet, un grand aimant ; que le fluide du magnétisme existe, peut-être, dans tout l'espace ; de sorte que l'Univers a, ainsi que notre globe, un nord et un sud magnétique ; et si un homme avoit la faculté de voler d'une étoile à l'autre, il pourroit diriger sa route par le moyen de la boussole. Je crois, enfin, que c'est par le pouvoir de ce magnétisme général, que le globe terrestre est devenu un aimant particulier. Dans du fer ramolli, ou chaud, le fluide magnétique est également répandu : mais quand il est sous l'influence d'un aimant, il est attiré à l'une des extrémités du fer, de laquelle la densité augmente, tandis que celle de l'extrémité opposée diminue.
Pendant que le fer est ramolli et chaud, il n'est qu'un aimant momentané : s'il se refroidit et qu'il se durcisse dans cet état, il devient un aimant perpétuel ; parce que le fluide magnétique ne reprend pas aisément son équilibre.
Peut-être est-ce parce que le globe a acquis un magnétisme permanent, qu'il n'avoit point d'abord, que son axe est à présent retenu dans une ligne parallèle avec lui, et qu'il n'est plus sujet aux changemens qu'il a jadis éprouvés, et qui, en brisant sa coquille, ont occasionné la submersion de quelques terres, l'exhaussement de quelques autres, et le désordre des saisons. À présent que le diamètre de la terre à l'équateur, diffère de près de dix lieues de celui des pôles, il est aisé de concevoir, qu'en cas que quelque pouvoir changeât graduellement l'axe et parvînt à le placer où se trouve actuellement l'équateur, tandis que l'équateur passeroit où sont les pôles, il est aisé de
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