Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II
L'OHIO
[En 1770, Benjamin Franklin, Thomas Walpole, banquier de Londres, John Sargent, Samuel Warton et quelques autres, présentèrent une pétition au roi d'Angleterre, pour obtenir la concession de terres sur les bords de l'Ohio, où ils vouloient établir une nouvelle province. Lord Halifax, qui étoit alors à la tête du bureau du commerce, approuvoit beaucoup ce projet. Mais lord Hillsborough, qui le remplaça, pensoit autrement ; et lorsqu'en 1772, la pétition lui fut renvoyée, il fit un rapport pour la faire rejeter. Franklin écrivit les observations qu'on va lire, et le conseil du roi prononça en faveur des pétitionnaires. Lord Hillsborough en fut si piqué, qu'il donna sur-le-champ sa démission. (Note du Traducteur.)]
Le premier paragraphe du rapport semble établir deux propositions comme faits ; savoir :
La première, c'est que l'espace de terre, spécifié avec les commissaires de la trésorerie, contient une partie de la province de Virginie.
La seconde, c'est qu'il s'étend à plusieurs milles à l'ouest de la chaîne des montagnes d'Allegany.
À l'égard de la première proposition, nous remarquerons seulement qu'aucune partie de cet espace de terre, n'est située à l'orient des montagnes d'Allegany, et que ces montagnes doivent être considérées comme les vraies limites occidentales de la Virginie ; car le roi n'avoit aucun droit sur le pays situé à l'ouest de ces montagnes, jusqu'en 1768, qu'il l'acheta des six Nations ; et depuis cette époque, on ne l'a réuni, ni en totalité, ni en partie, à la province de Virginie.
Quant à la seconde proposition, nous observerons que les lords commissaires du commerce et des colonies, nous paroissent ne s'être pas moins trompés sur cet objet que sur le premier ; car ils disent que l'espace de terre, dont il s'agit, s'étend à plusieurs degrés de longitude à l'ouest.
La vérité est qu'il n'y a pas plus d'un degré et demi de longitude depuis la chaîne occidentale des montagnes d'Allegany, jusqu'à la rivière de l'Ohio.
D'après le second paragraphe du rapport des lords commissaires, il semble qu'ils craignent que les terres situées au sud-ouest des limites tracées sur la carte, soient réclamées par les Cherokées, comme leur pays de chasse, ou même que ce soit là que chassent les six Nations et leurs confédérés.
Les Cherokées n'ont aucun droit sur ce pays. C'est une opinion nouvelle, qui ne peut être défendue, et dont on n'a entendu parler qu'en 1764, lorsque M. Steward fut nommé inspecteur des colonies méridionales. Nous allons le démontrer par le rapport exact des faits ; et nous ferons voir, en même-temps, que le roi a un droit incontestable à la rive méridionale de l'Ohio, jusqu'à la rivière des Cherokées, par la cession qu'en ont faite les six Nations, dans le congrès qui a eu lieu au fort Stanwix, en novembre 1768. En un mot, le pays qui s'étend depuis le grand Kenhawa jusqu'à la rivière des Cherokées, n'a jamais été habité par les Cherokées, ni servi à leurs chasses. Il fut autrefois habité par les Schawanesses, et il leur appartint jusqu'au moment où les six Nations en firent la conquête.
M. Colden, qui est actuellement sous-gouverneur de New-York, et qui a écrit l'histoire des cinq Nations [Les cinq Nations d'alors sont les mêmes que celles qu'on appelle les six Nations, depuis qu'elles se sont confédérées avec quelques autres peuplades. (Note du Traducteur.)], observe que vers l'année 1664, les cinq Nations ayant été amplement pourvues par les Anglais, de fusils et de munitions, se livrèrent entièrement à leur génie belliqueux.
Elles portèrent leurs armes depuis la Caroline méridionale jusqu'au nord de la Nouvelle-Angleterre, et depuis les bords du Mississipi, jusqu'à l'extrémité d'un pays, qui a douze cents milles de longueur du nord au sud, et six cents milles de largeur. Elles détruisirent toutes les peuplades qu'elles rencontrèrent, et sur lesquelles les Anglais n'ont conservé aucun renseignement.
En 1701, les cinq Nations mirent sous la protection des Anglais, tout le pays où elles chassoient, comme on le voit dans les annales des colonies, et comme cela est confirmé par un acte du 4 septembre 1726.
Le gouverneur Pownal, qui, il y a déjà plusieurs années, examina avec beaucoup de soin les droits des Indiens, et particulièrement de ceux qui formoient la confédération septentrionale, dit dans son livre intitulé : de l'Administration des Colonies,—«On
Weitere Kostenlose Bücher