Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
pardonné. Enfin, dernier point litigieux, le couronnement d’Henri le Jeune ; une nouvelle cérémonie aura lieu le 27 août à Winchester et cette fois-ci Marguerite de France est sacrée en même temps que son mari.
Il aura fallu à peine un an et demi à Henri II pour se sortir de la situation très délicate dans laquelle l’assassinat de Thomas Becket l’avait plongé. Le trait de génie a été la campagne d’Irlande. Et le roi s’en tire remarquablement bien ; c’est l’œuvre d’un redoutable stratège en diplomatie.
À Noël 1172, le roi tient sa cour à Chinon où la reine l’a rejoint. Ils ne se sont pas vu depuis deux ans. L’atmosphère semble très détendue entre les époux. Pourtant ce n’est qu’une façade. Le feu couve sous la cendre mais Henri, au faîte de sa puissance, ne se doute de rien.
En février 1173, le roi d’Angleterre est en Auvergne, à Monferrand. Il reçoit le comte Humbert de Maurienne pour mettre au point les derniers détails d’un projet matrimonial unissant leurs maisons. Depuis 1171, les deux hommes sont en négociation pour marier le dernier des fils d’Henri et Aliénor, Jean, âgé de cinq ans, avec la fille unique du comte, Alix. Le prince sans terre deviendrait par ce mariage un homme riche et puissant. La Maurienne représente le contrôle de tous les cols des Alpes, un territoire qui s’étend autour du lac Léman, comprend une partie de la Savoie et offre une ouverture vers l’Italie ; c’est un territoire stratégique dans l’Europe de l’époque et y mettre la main serait un excellent « coup » politique et diplomatique pour le Plantagenêt. Pour conclure la négociation, Henri est prêt à payer la somme considérable de 5 000 marcs d’argent. À Monferrand se trouvent également le roi Alphonse II d’Aragon et le comte de Toulouse, Raimond V. Ils sont venus demander au roi d’Angleterre son arbitrage concernant une querelle qui les oppose depuis longtemps. Tant de riches et puissants féodaux réunis autour d’Henri montre la notoriété dont jouit, en ce début d’année 1173, un homme qui, maintenant, est doublement roi : d’Angleterre et d’Irlande.
Le 25 février Henri tient sa cour à Limoges. Aux rois et comtes présents à Monferrand, vient s’ajouter le roi de Navarre, invité par le Plantagenêt. Devant cette assemblée prestigieuse, le comte de Toulouse fait hommage de ses terres au roi d’Angleterre. Raimond V s’agenouille d’abord devant Henri II, puis devant Henri le Jeune et enfin devant Richard, le duc d’Aquitaine, suivant un ordre hiérarchique voulu par Henri. La reine Aliénor est selon toute probabilité également présente à cette cérémonie qui marque l’apothéose de la famille Plantagenêt, en apparence unie, sans doute la plus puissante d’Europe à ce moment-là.
Le mariage entre Jean d’Angleterre et Alix de Maurienne est conclu. La fillette va rester dans sa belle-famille pour y être élevée, comme il est d’usage. Le comte Humbert se fait préciser quelques points de la dotation du petit Jean, qui, on s’en souvient, était « sans terre ». Humbert est un homme consciencieux, il se doute que probablement Jean, qui est le quatrième sur la liste des héritiers royaux, n’aura pas grand pouvoir dans l’avenir même si son père semble lui manifester un attachement particulier. Il demande donc au roi d’Angleterre de quels moyens de subsistance disposera le jeune prince. Henri répond qu’il recevra plusieurs châteaux dans le centre de l’Angleterre et sur le continent, les villes fortes de Loudun, Mirebeau et Chinon, stratégiquement placées entre le Poitou et la Bretagne — notons au passage que ce sont ces trois mêmes villes qui avaient été données au frère d’Henri, Geoffroy, vingt ans plus tôt et qui avaient été la source d’un grave conflit entre les deux frères. Il faut croire que ces villes sont marquées du sceau de la discorde, car elles vont être le point de départ d’un nouveau conflit qui va menacer de faire s’effondrer l’empire bâti par Henri II. Apprenant les biens dont son frère va bénéficier, Henri le Jeune entre dans une fureur qui surprend tous les barons présents. Lui qui a été sacré roi par deux fois, qui a fait hommage, comme ses propres fiefs, de la Normandie et de l’Anjou au roi de France, ne dispose même pas d’une terre personnelle pour lui permettre de tenir son rang et ne vit que des subsides que son père
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