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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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Prologue
    Dispute à Antioche
    Octobre 1149, à Tusculum en Italie. C’est dans cette petite ville du Latium, à quelques dizaines de kilomètres au sud de Rome, que réside le pape Eugène III chassé de la Ville éternelle par le sénat romain. En ce début d’automne, le souverain pontife reçoit le roi et la reine de France, Louis VII et Aliénor, de retour d’une grande expédition militaire en Terre sainte que les historiens appelleront la Seconde croisade.
    Les trois souverains se voient pour la deuxième fois. Leur première rencontre avait eu lieu deux ans et demi plus tôt, en mai 1147. Eugène III remettait alors à Louis VII son bâton de pèlerin au cours d’une messe en la basilique Saint-Denis, près de Paris, qui marquait le début de la Seconde croisade. Jours de fête, de liesse, on partait en Terre sainte reprendre le comté et la ville d’Édesse tombés aux mains des Turcs le 24 décembre 1144. L’événement était symbolique autant que stratégique : le comté d’Édesse, fondé en 1098, un an avant la conquête de Jérusalem, était le plus ancien des États croisés. Assis sur les deux rives de l’Euphrate, il occupait une position cruciale en contrôlant le fleuve et représentait une menace sérieuse pour la principauté d’Antioche voisine et toute la Palestine chrétienne. L’enjeu était d’importance.
    Le retour est moins joyeux. La croisade a été un échec, l’objectif n’a jamais été atteint et le périple a été particulièrement éprouvant.
    Eugène III n’ignore rien des difficultés rencontrées par les souverains francs. Suger, l’abbé de Saint-Denis qui assure la régence du royaume, l’en a régulièrement tenu informé. Le pape sait l’état de fatigue et d’épuisement dans lequel le couple royal a accosté en Sicile quelques semaines plus tôt après avoir évité un ultime danger. Le roi et la reine avaient en effet quitté l’Asie Mineure sur deux navires séparés dans un convoi sicilien bientôt attaqué par des pirates byzantins au large des côtes du Péloponnèse – le roi normand de Sicile était en guerre avec l’empereur de Byzance. Le bateau où se trouvait Aliénor avait été capturé et la reine emmenée vers Constantinople, quand un nouveau coup de main des Siciliens l’avait délivrée. Entre-temps, Louis VII avait débarqué en Calabre et attendu trois semaines la nouvelle de l’arrivée d’Aliénor, saine et sauve, à Palerme.
    Le roi et la reine avaient ensuite entrepris de regagner Paris. Aliénor, qui tout au long de la croisade avait fait preuve d’une remarquable endurance physique, était tombée malade. Aussi avait-on décidé de faire de petites étapes pour la ménager.
    Durant ces quelques journées passées à Tusculum, on imagine volontiers que les sujets de conversation entre les souverains tournent autour des récits de la croisade, des problèmes politiques que son échec soulevait, de la fragilité des États chrétiens de Terre sainte – les Francs essayant de comprendre leurs erreurs, se reprochant certaines décisions, rappelant la duplicité de l’empereur de Byzance qui a joué un double jeu avec les Turcs, la vénalité et la fourberie des Grecs, les graves problèmes de ravitaillement, mais aussi l’admirable endurance, le courage et la bravoure dont les Francs ont su faire preuve. Eugène III les écoute avec compassion et essaie sans doute de leur redonner confiance. Pourtant c’est sur un autre sujet que le souverain pontife doit exercer sa compassion. Autant, et peut-être même plus que des souverains déçus et meurtris de leur échec politique et militaire, c’est un couple au bord de la désunion qu’il accueille. Une très profonde querelle a éclaté entre les époux, pendant leur séjour à Antioche ; une distance s’est depuis installée entre eux. Mesurant la gravité de la situation, Eugène III, transformé en « conseiller conjugal », ne ménage pas sa peine pour réconcilier les époux. L’historien, philosophe et homme d’Église Jean de Salisbury – sans doute l’un des plus grands esprits du XIIe siècle – qui relate le séjour à Tusculum dans son Historia Pontificalis, met précisément l’accent sur la mésentente entre Louis et Aliénor : « Quant à la querelle qui avait pris naissance à Antioche entre le roi et la reine, le pape l’apaisa après avoir entendu séparément les griefs des deux époux. […] Ce mariage ne devait être rompu sous aucun

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