Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
les forteresses d’Aumale et de Neufmarché dont ils s’emparent en peu de temps tandis que Louis VII et Henri le Jeune, que Richard rejoint rapidement, entreprennent le siège de Verneuil avec une armée de sept mille chevaliers. Quelques semaines après, en juillet, le comte de Chester attaque la Bretagne et s’empare de Dol. Tout semble réussir aux coalisés jusqu’au siège de Driencourt où Mathieu de Boulogne est tué par un carreau d’arbalète. Profondément affecté, son frère Philippe de Flandres décide d’interrompre la marche de son armée et de rester devant Driencourt. De son côté le roi de France piétine devant Verneuil. C’est à ce moment que le Plantagenêt lance sa contre-offensive. Comme on pouvait s’y attendre, il agit avec une rapidité déconcertante. Faisant parcourir à ses hommes trente kilomètres par jour à marche forcée, il est le 8 août à quelques lieues de Verneuil. Louis VII préfère ne pas affronter avec ses chevaliers les redoutables mercenaires d’Henri et se retire peu glorieusement. Le Plantagenêt a les mains libres pour foncer vers la Bretagne : il reprend Dol, fait prisonniers les comtes de Fougères et de Chester, et terrorise la population. Les nouvelles venant d’Angleterre sont également favorables à Henri car ses partisans, avec à leur tête son justicier Richard de Lucé, ont repoussé l’invasion écossaise et fait prisonnier Guillaume le Lion.
Dans ce contexte plutôt favorable au Plantagenêt, une rencontre a lieu le 24 septembre à Gisors entre le roi d’Angleterre et le roi de France accompagné des trois princes Plantagenêt. Henri propose à ses fils de partager les revenus de ses domaines. Conseillés, semble-t-il, par Louis VII, les princes refusent. En effet les coalisés espèrent reprendre la main et surtout mettent sur pied une invasion de l’Angleterre où la situation est encore incertaine. Mais Henri a compris le danger. Il passe la Manche avec une petite armée de cinq cents mercenaires et va rejoindre les troupes de Richard de Lucé. L’armée du comte de Leicester, âme de la révolte anglaise, est battue et le comte fait prisonnier. Henri repasse à nouveau la Manche car les coalisés ont profité de son absence pour attaquer une nouvelle fois en Normandie et assiègent Rouen. Le Plantagenêt les oblige à lever le siège. Après cette nouvelle défaite, la coalition se disloque définitivement.
À nouveau maître de l’Angleterre, de la Normandie et de la Bretagne, Henri II a les mains libres pour attaquer les rebelles poitevins. Début novembre, le roi, arrivé à Chinon, lance ses mercenaires vers le sud et s’empare des châteaux de La Haye, Preuilly et Champigny. Henri se rapproche dangereusement d’Aliénor. La reine ne se sent plus en sécurité. Un soir de novembre, sur la route entre Poitiers et Chartres, en direction des États du roi de France, des hommes du Plantagenêt tombent par hasard sur une petite troupe de cavaliers poitevins qu’ils font prisonniers. Parmi ces cavaliers, habillée en homme, ils découvrent avec stupeur Aliénor d’Aquitaine. La malchance a voulu que la reine soit capturée alors que, par une ironie de l’histoire, elle allait chercher refuge auprès de son premier mari qu’elle n’avait pas vu depuis vingt-cinq ans.
La reine est emmenée à Chinon où Henri l’attend. Mais à cet instant, ils ne sont plus mari et femme. Le couple extraordinaire qu’ils ont formé est définitivement mort. Plus qu’en adversaire, elle s’est comportée en ennemie. Et c’est en ennemie vaincue qu’il va la traiter.
Pour nous, l’histoire d’Aliénor et Henri s’arrête là. Emprisonnée pendant quinze années en Angleterre, Aliénor ne verra pas – ou peu, ils ne se rencontreront qu’une seule fois – l’homme qu’elle a aimé devenir un être névrotique, sale, laid, régnant avec despotisme. Mais, malgré tout, Henri restera un incroyable animal politique, conservant son pouvoir jusqu’au bout, réussissant à contenir sans cesse l’impatience de fils qui parviennent difficilement à dissimuler leur détestation de cet homme qui n’a jamais su, ou voulu, être leur père. Durant cette période, Henri et Aliénor connaîtront la douleur de perdre Henri le Jeune, qui meurt en 1183 à l’âge de vingt-trois ans, puis Geoffroy en 1186. Richard devient l’héritier. Quand Henri meurt, en 1189, dans une solitude tragique, la reine Aliénor sort de sa prison plus altière
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