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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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avec certains excentriques du groupe de Bloomsbury, l’avant-garde politico-littéraire londonienne des années vingt.
    Aux approches de la quarantaine tout va très bien pour elle. Elle déjeune de saumon et de framboises à la crème, achète le château (à restaurer) de Sissinghurst dans le Kent, où elle se consacre à sa seconde passion : le jardinage ; elle en deviendra la spécialiste incontestée, adulée, à la B.B.C. et à l’ Observer . Ses plants de rosiers grimpants au milieu des pommiers, ses roses thé hybrides seront reproduits dans le monde entier. Au début des années trente elle connaît une nouvelle histoire d’amour avec une journaliste du Daily Mail , puis s’embarque pour une tournée de conférences aux États-Unis. Elle a besoin d’argent. À New York elle fait la connaissance des époux Lindbergh ; à Hollywood l’obligé qui lui sert de guide s’appelle Gary Cooper. La valse des amitiés plaquées or ne cesse pas : l’écrivain Cyril Connolly, le poète W. H. Auden, le biographe Peter Quennel viennent la voir à Sissinghurst. Puis la guerre vient. Elle apprend l’angoisse et songe sérieusement à fuir Sissinghurst menacé par les bombes. En 1941 nouvelle épreuve : Virginia Woolf se suicide ; Vita vient de perdre l’un des « enchantements » de sa vie. Les mauvais rêves l’assaillent. Heureusement les V2 épargneront Sissinghurst et ses deux fils rentreront sains et saufs du conflit. En 1946 son long poème Le Jardin ( le plus connu avec La Terre) reçoit le prix Heinemann.
    À l’automne de sa vie, affaiblie par des maux de dos et l’arthrite, Vita souhaite une solitude de plus en plus complète (plus de cocktails à Buckingham Palace). Elle jardine. Écrit. Voyage en France. À soixante-trois ans elle s’achète une Jaguar et tombe à nouveau amoureuse, mais le cœur n’y est plus tout à fait. Encore quelques croisières en Indonésie et aux Caraïbes en compagnie du cher Harold, encore un dernier livre , Escales sans nom (1961), et la mort vient le 2 juin 1962 pour l’aristocrate aux « doigts verts », dans sa tour de Sissinghurst tapissée de livres.

    *1   Cité par Victoria Glendinning dans sa biographie Vita (Albin Michel, 1987).
    *2   Ibidem.

I
    Chevron
    Il était monté sur le toit, non seulement parce que c’était, depuis des années, son passe-temps favori, mais parce qu’il n’avait pas d’autre moyen de fuir. Autrement, sa mère comptait sur lui pour recevoir à ses côtés, et alors les hommes se moquaient de lui et les femmes jouaient avec ses cheveux. Même à son âge, il aimait que ses cheveux fussent nets et pommadés ; même à dix-neuf ans, il ne pouvait supporter la moindre intrusion, si légère fût-elle, dans sa vie intime. Donc, il fuyait ; il s’élançait à travers le somptueux dédale des escaliers et des appartements vers les mansardes, et là, se jetait dehors par une petite porte qui donnait sur les toits. Léger dans ses souliers de tennis, il escaladait les tuiles jusqu’au faîte, s’asseyait à califourchon, ouvrait toute grande sa chemise, éventait son visage en feu et buvait l’air à longs traits. Là-haut, il entrait dans un monde fait pour lui. Au-dessus desa tête, un nuage de pigeons blancs tournoyait dans le ciel bleu. Devant lui s’étendaient de longs arpents de toits rougeâtres, avec leurs monstres de pierre héraldiques. À la tour, le drapeau rouge et bleu flottait nonchalamment. En bas, dans le jardin, sur la pelouse d’un vert cru, il apercevait les silhouettes des invités de sa mère, les uns assis sous les arbres, les autres errant à l’aventure ; leurs éclats de rire et le choc des balles de croquet lui parvenaient distinctement. Dans le parc, un troupeau de daims agitaient leurs courtes queues à l’ombre des hêtres. Tout cela, il pouvait le voir des hauteurs inviolées de son toit. Juste au-dessous de lui, – très loin, lui semblait-il, – se trouvait une petite cour intérieure pavée, dont le mur était couvert d’un immense laurier ; tandis qu’il regardait, un peu étourdi, il vit un cortège sortir d’une porte et disparaître par la porte d’en face. Il fit la grimace. Il savait bien ce que signifiait ce cortège. Il savait qu’à un instant précis, dans la salle à manger des domestiques, la troupe des femmes de chambre s’était levée de table ; maintenant, portant chacune son assiette à dessert, elles se retiraient dans le petit salon ; les voici qui

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