Aux armes, citoyens !
l’audace
est le plus beau calcul du génie.
Il vaut mieux s’abandonner à
sa destinée. »
Napoléon B ONAPARTE , général en chef de l’armée d’Italie
avril 1796 (germinal an IV)
« La Révolution
française monte au Capitole.
L’Europe est finie, elle l’a
voulu…
Toute espérance est bannie
de mon âme.
Baissez la toile, la pièce
est jouée.
La royauté n’est qu’une
vague réminiscence…
Je n’aperçois ni jour, ni
moyens, ni issues. »
Mallet du P AN
1797 (an V)
23.
Le règne de la Concorde ?
Qui peut y croire ou l’espérer, en ce 12 brumaire an IV (3
novembre 1795), en voyant le cortège des cinq Directeurs ?
Ils ont été choisis par le Conseil des Anciens dans une
liste de cinquante noms établie par le Conseil des Cinq-Cents.
Barras, La Révellière-Lépeaux, Reubell, Letourneur et Sieyès
– ce dernier refusera de siéger et sera remplacé par Carnot – sont tous des
régicides.
Ils se sont installés dans deux fiacres escortés par cent
vingt dragons et autant de fantassins.
Le cortège parti des Tuileries se dirige vers le palais du
Luxembourg, où le Directoire va siéger.
Les Directeurs n’ont pas encore revêtu leur manteau et leur
habit d’apparat.
Ils ne sont élus que depuis quatre jours et, dans le palais
du Luxembourg dont ils parcourent les pièces, ils constatent qu’il n’y a plus
aucun meuble, que depuis le départ du comte de Provence tout est à l’abandon. Les
« détrousseurs » de palais sont passés par là.
Les Directeurs s’installent dans une petite pièce au premier
étage, autour d’une table branlante. Les sièges sont des chaises de paille, que
le concierge a prêtées. Il monte des bûches. La cheminée fume, et l’humidité
persiste.
Mais on peut rédiger un procès-verbal d’installation, procéder
au choix des ministres, qui sont tous des modérés. Le ministre de l’intérieur
serait même royaliste, comme bon nombre de députés, ce qui laisse présager des
conflits entre les Directeurs régicides et les Conseils des Anciens et des
Cinq-Cents.
Mais pour l’heure on parle costume. On veut de l’éclat, un
manteau nacarat, rouge clair aux reflets de la nacre, à doublure blanche, écharpe
bleue, broderie d’or, chapeau à panache tricolore.
Les députés porteront la toge, et ceux des Cinq-Cents un
turban bleu avec un bouquet d’épis d’or.
La France est misérable, mais ses représentants et ses
Directeurs sont résolus à jouir du luxe et des avantages du pouvoir.
Et tant pis pour le peuple, celui des faubourgs ou celui qui
est sous les armes.
Les uniformes des soldats qui escortaient les deux fiacres
directoriaux étaient usés, quant aux dragons ils montaient sans bottes et l’on
voyait leurs bas troués.
Les troupes qui ont conquis la Belgique, celles qui en
Italie ont battu sous le commandement du général Schérer les Austro-Sardes ne
sont pas mieux loties !
Il en va de même sur les bords du Rhin.
« Les soldats de Pichegru sont dans une situation
déplorable, écrit un voyageur. Ils n’ont ni souliers, ni bas, ni chapeaux et
bientôt plus d’habits et de culottes. La misère les ronge et les fait déserter
par milliers dans l’intérieur. Ceux qui restent dans cet état sont vraiment des
héros. Il faut des millions en argent pour réparer ces maux. »
Mais les assignats valent à peine la valeur du papier !
Les Directeurs décident de cesser d’émettre cette monnaie
sans valeur. Et le 19 février 1796 (30 pluviôse an IV), ils brûlent place
Vendôme les planches servant à leur fabrication.
Les trente-neuf milliards d’assignats en circulation seront
retirés, remplacés par des « mandats territoriaux ». Mais pourquoi
les citoyens feraient-ils confiance à cette nouvelle monnaie-papier ?
Pourquoi souscriraient-ils l’emprunt de six cents millions
que lance le Directoire ?
Le libraire Ruault, observateur toujours lucide, ne s’étonne
pas de cet insuccès.
« Le Directoire répand de temps en temps, écrit-il, des
homélies très civiques pour réchauffer les cœurs et leur redonner du ton en
patriotisme, mais c’est la voix qui crie dans le désert. Elles n’ont pas plus
de succès que l’emprunt de six cents millions en numéraire. Le Directoire ne
dissimule son embarras ni aux jeunes [le Conseil des Cinq-Cents] ni aux vieux [Conseil
des Anciens] ni à personne au monde !
« La machine des finances crèvera dans les mains de ses
directeurs avec un fracas
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