Aux armes, citoyens !
épouvantable. On ne voit point de remède à ce mal. »
Et plein d’une amertume désespérée, Ruault conclut :
« La France n’est qu’une plaie, pas un endroit sain
dans tout le corps politique, ses gouverneurs marchent à tâtons comme dans une
cave et n’ont de lumière que derrière eux. »
En fait, les Directeurs à l’exception de l’austère et
rigoureux Carnot, sauvé le 9 Thermidor de l’arrestation parce qu’il a été
reconnu comme l’organisateur de la victoire, et de son « double »
Letourneur, se soucient d’abord d’eux-mêmes.
Lorsqu’ils apparaissent en grand costume de satin, avec
leurs dentelles, leurs écharpes, leurs glaives, leurs bas de soie, les souliers
à bouffettes et le chapeau rouge à panache, ils suscitent les moqueries, car
personne n’est dupe de cette « mascarade luxembourgeoise », comme on
dit dès le premier jour.
Personne ne les respecte.
Barras, roi de la République, est un noble corrompu, régicide
et terroriste enrichi. Il place ses maîtresses, Joséphine de Beauharnais, Thérésa
Tallien – l’une dans le lit de Bonaparte, l’autre dans celui de l’agioteur
munitionnaire Ouvrard. Ainsi, il accroît son influence.
Barras est un cynique « flibustier », qu’attirent
encore les Jacobins, comme si le régicide qu’il est ne voulait pas couper tout
lien avec la Révolution, car il craint toujours une restauration monarchique
qui ferait pendre haut et court les régicides.
Mais en dehors de cette inquiétude – et peut-être a-t-il
sollicité de Louis XVIII une absolution –, chacun sait que « Barras jetterait
par la fenêtre la République dès demain si elle n’entretenait ses chiens, ses
chevaux, ses maîtresses, sa table, sa salle de jeu ».
Les autres Directeurs sont des inconnus.
Reubell, avocat alsacien colérique, est l’un des artisans de
l’annexion de la Belgique et de la rive gauche du Rhin. Il parle avec arrogance,
jure qu’il faudrait « mettre les députés contre-révolutionnaires dans un
sac et les jeter à la rivière ».
La Révellière-Lépeaux, ancien Girondin, s’occupe des
questions religieuses. Il veut fonder une « religion naturelle ». Il
voudrait détruire la papauté tout en étant hostile à l’unification de l’Italie.
Ces Directeurs ont en commun de vouloir combattre les « factions
extrêmes », à la réserve près qu’étant tous régicides, ils sont de « farouches
républicains ». Ils l’affirment dans la Proclamation au Peuple français datée du 14 brumaire an IV (5 novembre 1795).
« Le Directoire, écrivent-ils, a la ferme volonté de
livrer une guerre active au royalisme, de raviver le patriotisme, de réprimer
toutes les factions, d’éteindre tout esprit de parti, d’anéantir tout désir de
vengeance, de faire régner la concorde, de ramener la paix, de régénérer les
mœurs, de rouvrir les sources de la production, de ranimer l’industrie et le
commerce, d’étouffer l’agiotage, de donner une nouvelle vie aux arts et aux
sciences, de rétablir l’abondance et le crédit public, de remettre de l’ordre social
à la place du chaos inséparable des révolutions, de procurer enfin à la République
française le bonheur et la gloire qu’elle attend. »
Les Directeurs désirent en finir avec la Révolution et ses
désordres.
Ils veulent être les arbitres au-dessus des factions.
« Il y a trois partis bien prononcés, écrit l’un des
commissaires du Directoire, les royalistes avec les fanatiques, les anarchistes
et les vrais républicains. Le troisième a combattu et contenu alternativement
les doux autres. »
Les Directeurs sont… ces républicains du « centre »…
du « Ventre », comme on disait sous la Convention.
Ils frappent les royalistes qu’ils ont écrasés le 13
vendémiaire grâce aux canons de Bonaparte.
Stofflet, le chef vendéen, est arrêté, fusillé, comme le
sera quelques semaines plus tard Charette, capturé blessé.
Mais la guerre gagnée, Hoche proclame l’« édit de
Nantes de la Vendée », autorisant partout la célébration du culte. Le
Directoire se sent si fort qu’il envisage même un débarquement en Irlande, préparé
par Hoche et Wolfe Tone, chef des Irlandais unis.
On rêve à une insurrection des Irlandais contre l’Angleterre.
On ne craint pas d’échanger la fille de Louis XVI, Marie-Thérèse,
contre des prisonniers français détenus par les Autrichiens.
Et parmi eux, Drouet,
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