Aux armes, citoyens !
Bologne, Ferrare, qui mate avec
une extrême dureté une révolte antifrançaise à Pavie, qui signe un armistice
avec le royaume de Naples, puis avec le pape.
Et les journaux détaillent le « butin ».
Le pape devra verser vingt et un millions, cent objets d’art,
cinq cents manuscrits. Il livrera la place d’Ancône et laissera le libre
passage à l’armée française sur ses États. Il fermera ses ports aux navires
anglais.
Les troupes de Bonaparte occupent Livourne, et leur contrôle
de ce grand port va contraindre les Anglais, qui se sont installés en Corse, à
quitter l’île.
Bonaparte est bien le général qui apporte les victoires et
la paix, la gloire et l’or.
Et l’on voudrait que Kellermann prenne sa place ? Et
faire confiance aux généraux Jourdan et Moreau, qui essuient déjà de premières
défaites, font retraite, alors que Bonaparte bat le général Wurmser, oblige les
Autrichiens à s’enfermer dans la place forte de Mantoue.
L’opinion s’embrase : « Vive Bonaparte ! »
Les journaux tressent ses couronnes, reprennent le texte de
ses proclamations habiles, écrites, non pour relater la vérité, mais bâtir sa
légende.
En outre, chacun des cinq Directeurs, et aussi les
commissaires du Directoire ou le général Clarke, chef du bureau topographique
du Directoire qui établit les plans de campagne, sont bombardés de lettres de
Saliceti, de Berthier, faisant l’éloge du « Petit Caporal » si
populaire parmi ses soldats.
Napoléon Bonaparte, lui, écrit à Barras, en fait le
confident de ses malheurs conjugaux, renforce ainsi leur complicité.
« Je suis au désespoir, dit Bonaparte, ma femme ne
vient pas ! Elle a quelque amant qui la retient à Paris. Je maudis toutes
les femmes mais j’embrasse mes bons amis… »
Les pressions sont si fortes que le Directoire va proclamer
que l’armée d’Italie a « bien mérité de la Patrie », et déclarer en
son honneur une « fête de la Victoire » qui doit être célébrée à la
fin du mois de mai (floréal an IV) dans toutes les armées et dans tout le pays.
La majorité des cinq Directeurs (Barras, Carnot, Le Tourneur)
conclue qu’il faut annuler la décision de nommer Kellermann à la place de Bonaparte.
Et refuser la démission de ce dernier.
Ils ont cédé et aussitôt, ils sentent la poigne de Bonaparte.
« Il faut, leur écrit-il, une unité de pensée militaire,
diplomatique et financière. La diplomatie est véritablement, dans ce moment-ci,
toute militaire en Italie. »
Il ajoute qu’« aucune de nos lois ne règle la manière
dont doivent être gouvernés les pays conquis ».
Autrement dit, Bonaparte veut les mains libres pour agir à
sa guise.
Et ceux qui le rencontrent rapportent aux Directeurs ses
propos, décrivant son regard où brillent l’intelligence, l’ambition et la
détermination.
Le représentant de la République en Toscane, Miot de Melito,
fasciné, l’écoute :
« Il ne ressemble pas aux autres généraux, note-t-il. Il
est l’homme le plus éloigné des formes et des idées républicaines que j’aie
rencontré. »
Mais il est déjà bien tard, pour retenir Bonaparte.
Il construit sa légende. L’imagination populaire s’empare de
ses proclamations, de son Adresse à la Patrie et à ses « frères
d’armes ».
« Soldats ! Vous vous êtes précipités comme un
torrent du haut de l’Apennin, vous avez culbuté, dispersé, éparpillé tout ce
qui s’opposait à votre marche… Que les peuples soient sans inquiétude, nous
sommes amis de tous les peuples !… Le peuple français libre, respecté du
monde entier, donnera à l’Europe une paix glorieuse qui l’indemnisera des
sacrifices de toute espèce qu’il a faits depuis six ans. Vous rentrerez alors
dans vos foyers, et vos concitoyens diront en vous montrant : il était de
l’armée d’Italie. »
Seuls les royalistes plus ou moins déclarés, les modérés qui
espéraient une restauration monarchique s’indignent, crient leur mépris, et
même leur haine contre ce général Vendémiaire : Mallet du Pan écrit à la
cour de Vienne, dont il est le correspondant, et sa missive sera diffusée
auprès de tous les souverains d’Europe :
« Ce Bonaparte, ce petit bamboche à cheveux éparpillés,
ce bâtard de Mandrin que les rhéteurs appellent jeune héros et vainqueur d’Italie,
expiera promptement sa gloire de tréteaux. » Et les monarques et les
princes croient à cette
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