Aux armes, citoyens !
commissaires du Directoire :
« Les commissaires n’ont rien à voir dans la politique,
dit-il. Je fais ce que je veux. Qu’ils se mêlent de l’administration des
revenus publics, à la bonne heure, du moins pour le moment, le reste ne les
regarde pas. Je compte bien qu’ils ne resteront pas longtemps en fonction et qu’on
ne m’en enverra pas d’autres ! »
Mais il ne rompt pas avec les Directeurs.
Il leur envoie le fruit de ses pillages.
Et il offre même à ces « cinq sires » des chevaux
jeunes et nerveux, au pelage brillant, afin, dit-il, de « remplacer les
chevaux médiocres qui attellent leurs voitures ».
Les Directeurs acceptent les dons, le butin, mais ils
commencent à regarder avec effroi ce général populaire. Et dans les Conseils, tant
celui des Anciens que celui des Cinq-Cents, tous les modérés, les royalistes
masqués qui constituent le « Ventre » de ces assemblées, sont
hostiles au général Vendémiaire.
Mais on ne veut pas, pas encore, l’affronter. Il faut d’abord
conquérir le pouvoir, et ce n’est qu’ensuite qu’on domptera ce général
ambitieux, celui que les royalistes considèrent comme un « Jacobin à
cheval ».
Il n’est donc plus question de tenter de s’emparer du
gouvernement par l’émeute. On se souvient du 13 Vendémiaire.
Mais des élections aux Conseils doivent avoir lieu en
mars-avril 1797 (germinal an V). Les royalistes sont persuadés qu’ils peuvent
les gagner. Et dans cette perspective, il faut convaincre les électeurs.
« Puisque l’opinion fait tout, il faut chercher à la
former », dit Antoine Dandré, ancien constituant, royaliste, intelligent, souple,
habile.
Peu à peu, il gagne la plupart des royalistes à l’idée que
les « voies légales » peuvent seules permettre de s’emparer du
pouvoir.
Le roi Louis XVIII s’y rallie.
Dans une proclamation aux Français, « du 10 mars de l’an
de grâce 1797 et de notre règne le deuxième », il promet l’oubli des
erreurs, des torts et des crimes, et attend « de l’opinion publique un
succès qu’elle seule peut rendre solide et durable ».
Le chevalier des Pomelles est chargé d’organiser cette
propagande pacifique dans toute la France. Et l’agent anglais Wickham s’en
félicite :
« Le plan est vaste et lointain, écrit-il à Londres. Il
s’étend à toute la France. Je n’ai cependant pas hésité à l’encourager dans son
ensemble. J’avoue que c’est la première fois que je dispose des fonds publics
avec une pleine satisfaction pour moi-même. »
Des Pomelles, avec l’argent anglais, fonde un « Institut
des amis de l’ordre », ou « Institut philanthropique », avec
dans chaque département un « Centre de correspondance ».
Il s’appuie sur les émigrés qui rentrent en grand nombre, en
dépit de la législation rigoureuse et des peines qu’ils encourent.
Le 26 décembre 1796, un émigré, le comte de Geslin, « prévenu
d’émigration et autres délits », a été passé par les armes.
Il a suffi qu’une commission militaire constate son identité.
Elle n’a pas eu à juger, seulement à ordonner son exécution.
Mais la plupart des émigrés échappent aux poursuites. Il
suffit de verser cinquante ou cent louis pour obtenir des employés des bureaux
gouvernementaux des certificats de résidence.
Toute l’administration est corrompue, vénale jusqu’au sommet
de l’État. L’entourage de Barras – avec l’accord du Directeur – vend toutes les
pièces nécessaires à une radiation des listes de l’émigration. Et surtout, l’opinion
change.
On joue une pièce de théâtre, Défense des émigrés
français , qui met en scène un émigré à qui son ancien fermier restitue
respectueusement le domaine dont il s’était rendu acquéreur. Et le fait s’est
réellement produit en Normandie.
Les prêtres déportés ou exilés qui rentrent dans leurs
villages sont accueillis avec enthousiasme.
« J’ai vu une foule de peuple, raconte l’un d’eux. Je
ne savais que penser. J’étais déguisé et habillé en séculier. On crie : Le
voici ! Tout de suite ce n’est plus qu’embrassement et cris de joie… Hier
il est arrivé deux autres prêtres ; on leur a fait le même accueil. »
Souvent on lance : « Vive le roi ! »
Dans certains hôpitaux, les religieuses reprennent leur
habit, remplacent les infirmières.
Les processions se déroulent même dans les villes.
Et les
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