Aux armes, citoyens !
d’à peine vingt-sept ans qui s’est imposé à ces « vieux
généraux », une dizaine d’années de plus que lui, et qui sont déjà
couturés de batailles, et dont les noms – Masséna, Augereau – ont été illuminés
par la gloire.
Mais il a suffi de dix jours et trois batailles – Montenotte,
Millesimo, Mondovi – pour que Bonaparte, franchissant les cols des montagnes
alpines qui séparent la côte méditerranéenne du Piémont, s’ouvre la route de
Turin.
Les Directeurs lisent les rapports du commissaire à l’armée
d’Italie, Saliceti, que Bonaparte connaît bien. Ce Saliceti qui l’a fait
arrêter comme robespierriste, après le 9 Thermidor, mais Bonaparte ne veut pas
se souvenir de cet épisode. Et Saliceti ne tarit pas d’éloges sur ce général
qui a su reprendre en main vingt-cinq mille hommes indisciplinés.
« Le général en chef, a dicté Bonaparte à Berthier, son
chef d’état-major, voit avec horreur le pillage affreux auquel se livrent des
hommes pervers… On arrachera l’uniforme de ces hommes. Ils seront flétris dans
l’opinion de leurs concitoyens comme des lâches. »
Et il s’est montré d’un courage exemplaire en s’élançant
sous la mitraille, sur le pont de Lodi, entraînant ses hommes qui l’ont acclamé,
ont dit de lui qu’il avait le courage d’un « petit caporal »…
Il a le sens du verbe, et ses proclamations exaltent les
Parisiens quand les journaux les publient.
« Soldats, s’est-il écrié, vous avez en quinze jours
remporté six victoires, pris vingt et un drapeaux, cinquante-cinq pièces de
canon, plusieurs places fortes, conquis la plus riche partie du Piémont. Dénués
de tout, vous avez suppléé à tout, vous avez gagné des batailles sans canons, passé
des rivières sans pont, fait des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans
eau-de-vie et souvent sans pain. »
Les Directeurs se félicitent de ses propos.
L’armée est la seule force qui leur permet de frapper les
factions royaliste et anarchiste. Et il leur semble que Bonaparte est fidèle à
la République. Il est ici le général Vendémiaire et celui qui a fait fermer le
club du Panthéon.
Ne dit-il pas à ses soldats :
« Les phalanges républicaines, les soldats de la
liberté étaient seuls capables de souffrir ce que vous avez souffert. Grâces
vous en soient rendues, soldats ! »
Et pourtant, Carnot s’interroge quand il lit la conclusion
de la harangue de Bonaparte :
« Mais, soldats, vous n’avez rien fait, puisqu’il vous
reste encore à faire ! »
Cependant, Bonaparte annonce dans toutes ses lettres qu’il
envoie des millions à Paris. Et cela suffit à étouffer les inquiétudes des
Directeurs.
On l’invite même à piller davantage.
Les Directeurs lui écrivent :
« Ne pourrait-on enlever les trésors immenses que la
superstition a amassés dans les couvents depuis quinze siècles ? On les
évalue à dix millions de livres sterling. Vous ferez une opération financière
la plus admirable et qui ne fera tort qu’à quelques moines. »
Et l’or et les œuvres d’art affluent au palais du Luxembourg.
« Vous êtes le héros de la France entière », lui
répètent les Directeurs.
Et ils multiplient les éloges :
« Vous avez la confiance du Directoire. Les services
que vous rendez tous les jours vous y donnent les droits. Les sommes
considérables que la République doit à vos victoires prouvent que vous vous
occupez tout à la fois de la gloire et des intérêts de la patrie. »
Ils approuvent que Bonaparte s’adresse aux patriotes
italiens :
« Peuple d’Italie, l’armée française vient briser vos
chaînes : le peuple français est l’ami de tous les peuples, venez
au-devant de lui. »
Et ces patriotes, ceux-là que Buonarroti avait rassemblés à
Oneglia au temps où Bonaparte n’était que le général d’artillerie de l’armée d’Italie,
proclament la République.
Mais Bonaparte devance les inquiétudes des Directeurs en
abandonnant ces patriotes dès lors qu’il peut signer un armistice avec le roi
du Piémont.
La royauté est maintenue, le souverain cède la Savoie et
Nice à la France, et verse une indemnité de guerre de trois millions.
Un autre armistice est conclu avec le duc de Parme – qui lui
coûte deux millions de lires, des approvisionnements et vingt tableaux que
viendra choisir une commission d’artistes français.
Ce Bonaparte est un homme comme les aiment les
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