Aux armes, citoyens !
commandant l’armée de Sambre-et-Meuse.
Hoche est nommé ministre de la Guerre, et autorisé, au
prétexte de la préparation d’un débarquement en Angleterre, à conduire quinze
mille hommes du Rhin à la Bretagne.
Ils passeront par Paris, violant les lois qui interdisent
aux troupes d’entrer dans la capitale.
« Nous sommes convenus avec le général Hoche, reconnaît
Barras, que son armée se prononcera. »
C’est-à-dire dispersera les royalistes.
Et en même temps, Barras veille à rassurer l’opinion modérée.
Il ne veut pas apparaître comme l’homme par qui la violence,
les journées révolutionnaires ensanglanteront de nouveau Paris.
Barras sait que le peuple est las, aspire à l’ordre, à la
paix civile. Les citoyens ne veulent le retour ni des « terroristes »,
ni des « anarchistes ».
Et le procès des babouvistes – des républicains montagnards
–, tous confondus dans la même appellation d’« anarchistes » qui se
tient devant la Haute Cour réunie à Vendôme, en ce printemps de l’an V, sert
Barras.
Il se montre ainsi partisan de l’ordre et des propriétés.
On compte soixante-cinq accusés.
Mais Drouet, l’ancien conventionnel Lindet et le général
Rossignol, tous montagnards, sont parmi les dix-huit contumaces.
Les accusés, dont Babeuf, Buonarroti, Darthé et les anciens
conventionnels Vadier et Amar, n’ont pas tous participé à la conspiration des
Égaux.
Mais le Directoire veut profiter de ce procès pour en finir
avec la « faction anarchiste ».
Le procès va durer trois mois – du 20 février au 26 mai 1797
(du 2 ventôse au 7 prairial an V).
Les débats sont violents.
Les accusés crient « Vive la République ! », proclament :
« Un seul sentiment nous anime, une même résolution
nous unit, il n’y a qu’un principe : celui de vivre et mourir libres, celui
de nous montrer libres de la Sainte Cause pour laquelle chacun de nous s’estime
heureux de souffrir. »
Ils entonnent des chants patriotiques et le public mêle sa
voix à celles des accusés.
On insulte le « traître » Grisel qui a dénoncé la
conspiration à Carnot : « Bois la ciguë, scélérat », lui
lance-t-on.
Du côté du tribunal, l’accusateur national Bailly est
impitoyable.
« La France est fatiguée d’avoir roulé de révolution en
révolution. Les anarchistes sont une faction de crime et de sang, dont le
triomphe aurait abouti à ensevelir la République sous les monceaux de cadavres,
dans les flots de sang et de larmes, dit-il… La France ne serait plus qu’un
désert affreux si la Convention, délivrée le 9 Thermidor, n’avait pas précipité
Robespierre et son abominable Commune dans le gouffre qu’ils avaient eux-mêmes
creusé. »
Dans la nuit du 26 au 27 mai, le verdict tombe : presque
tous les accusés sont acquittés – Buonarroti est l’un d’eux -mais Babeuf et
Darthé sont condamnés à mort.
« Aussitôt que le jugement est prononcé, Darthé crie :
“Vive la République !” Il s’est déjà percé le sein et le sang jaillit de
sa plaie, raconte L’Écho des hommes libres et vrais. Babeuf sans rien
dire imite son exemple et s’enfonce dans le corps un fil de métal aiguisé. Il
tombe mourant. Un sentiment d’admiration pour les suicidés et d’horreur pour
leurs bourreaux se répand dans toute l’assemblée. Une foule de citoyens de tous
âges et de tous sexes sort de la salle épouvantée, effrayée d’avoir soutenu la
présence des meurtriers du patriotisme. Une partie y est retenue par un religieux
respect pour les illustres condamnés. »
Le lendemain 28 mai, malgré leurs blessures Babeuf et Darthé
sont conduits à l’échafaud.
Darthé refuse d’obéir au bourreau et est traîné sanglant sur
la guillotine.
« Babeuf parle de son amour pour le peuple auquel il
recommande sa famille… Il s’est présenté et a reçu le coup fatal avec le calme
de l’innocence, presque même de l’indifférence. »
Il avait écrit dans sa dernière lettre à sa femme :
« Les méchants sont les plus forts. Je leur cède. »
Quelques jours plus tard, Bonaparte charge un courrier de
remettre à Barras les documents qui accusent le général Pichegru. Menacé d’être
exécuté, d’Antraigues les a finalement signés.
L’épouse du comte s’est écriée, s’adressant à Joséphine de
Beauharnais dont elle est l’amie :
« Madame, vous m’avez dit : “Robespierre est mort !”
Le
Weitere Kostenlose Bücher