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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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écraser toutes, il faut attaquer celle qui existe encore avec la même
fureur que nous avons montrée en écrasant l’autre. »
    Et lorsque Camille Desmoulins se présente chez les Duplay, demandant
à voir Maximilien, on le rejette, lui l’ami de collège. Desmoulins désemparé s’éloigne,
sûr qu’il est condamné. Et cependant quand, désespéré, il fait part de ses
craintes à Danton, celui-ci hausse les épaules.
    Il a entendu, lui aussi, les paroles de l’incorruptible qui
dénonce les Indulgents, ces « fripons » qui vont gangrener les armées,
s’appuyer sur les fonctionnaires corrompus. « Et les armées seront battues. »
     
    Mais Danton croit à sa force, à son invulnérabilité.
    Il peut compter sur le général Westermann qui a battu les
Vendéens, sur Tallien qui vient d’être élu président de la Convention et dont
on sait avec quelle détermination il a appliqué la politique de la terreur à la
ci-devant Bordeaux, sur Legendre, l’un des vainqueurs de la Bastille, qui a
fondé le club des Cordeliers et a été élu président du club des Jacobins. Danton
compte aussi sur le réalisme de Robespierre.
    Les deux hommes viennent ce 1 er germinal de
sabler ensemble le champagne, de s’embrasser, et Danton a dit à Maximilien :
    « Avant six mois, toi-même, tu seras attaqué
Robespierre, si nous nous divisons. »
    Danton est si sûr de lui qu’il répond au conventionnel
Thibaudeau qui lui répète « Robespierre conspire ta perte. Ne feras-tu
rien pour le prévenir ? » :
    « Si je le croyais, je lui mangerais les entrailles. »
    Et Danton affirme qu’on n’osera pas l’attaquer, qu’il voue
Robespierre à l’« exécration ».
    Puis tout à coup, le tribun s’assombrit. Il se lamente comme
s’il comprenait brusquement la gravité du péril… Mais quand on lui propose de
fuir, il répond :
    « On n’emporte pas sa patrie à la semelle de ses
souliers. » Puis, après avoir prononcé cette phrase d’une voix forte, il
murmure d’un ton las :
    « J’aime mieux être guillotiné que guillotineur, d’ailleurs
l’humanité m’ennuie. »
     
    Il n’imagine pas la haine et le mépris que lui voue
Robespierre.
    L’Incorruptible s’emploie à convaincre les membres des
Comités qu’il faut en finir avec Danton.
    « Comment un homme à qui toute idée de morale est
étrangère peut-il être le défenseur de la liberté, commence Robespierre. Le mot
de vertu fait rire Danton. Il n’y a pas de vertu plus solide, répète-t-il
plaisamment, que celle que je déploie toutes les nuits avec ma femme.
    « Voilà Pâme ingrate et noire de Danton. Il professe
pour le vice une tolérance qui doit lui donner autant de partisans qu’il y a d’hommes
corrompus dans le monde. »
    Et Billaud-Varenne murmure : « Il faut tuer Danton. »
    Et Saint-Just ajoute : « Si nous ne le faisons
guillotiner, nous le serons ! »
     
    Dans cette nuit du 9 germinal an II (29 mars), Saint-Just
présente aux membres des Comités de salut public et de sûreté générale l’ordre
d’arrêter Danton, Camille Desmoulins et les Indulgents, avant même que soit
voté le décret d’accusation.
    On vient d’apprendre que, la veille, Condorcet, proche des
Girondins, dernier des grands philosophes qui a vécu plusieurs mois terré chez
une amie, rédigeant son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit
humain, a été arrêté et s’est suicidé dans la prison de Bourg-la-Reine. Mais
qui s’en émeut ?
    Tous les membres des Comités, à deux exceptions près, signent
l’ordre d’arrestation dont ils savent qu’il vaut jugement de mort.
    Le vieil archiviste Rühl, membre du Comité de sûreté
générale, et Robert Lindet, chargé des questions d’approvisionnement au sein du
Comité de salut public, ont refusé de signer.
    L’un et l’autre avaient averti Danton de la menace qui
pesait sur lui. En vain.
    Lindet, en repoussant la feuille de signature, dit, fièrement,
sachant qu’il risque sa vie :
    « Je suis ici pour nourrir les citoyens et non pour
tuer les patriotes. »
     
    On arrête Danton le 10 germinal an II (30 mars 1794) à six
heures du matin.
    Il a passé la nuit « près du foyer, dans sa chambre de
travail, le corps penché dans l’âtre, abîmé dans ses réflexions. De temps à
autre il sort de son immobilité pour tisonner avec violence, puis on l’entend
pousser de profonds soupirs et prononcer des paroles entrecoupées.

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