Aux armes, citoyens !
marchons non pour conquérir, mais pour vaincre, déclare
Billaud-Varenne à la Convention. Nous cesserons de frapper à l’instant où la
mort d’un soldat ennemi serait inutile à la liberté. »
Et Billaud-Varenne – a-t-il lu Mallet du Pan ? – craint
« l’ambition d’un chef entreprenant… L’histoire nous apprend que c’est par
là que toutes les républiques ont péri. Un peuple guerrier devient esclave. »
Et le général Hoche est en prison, accusé d’avoir eu des
sympathies pour les Cordeliers. Et le général Westermann a été guillotiné comme
dantoniste. Et l’on surveille les généraux qui, avec l’armée des Alpes, conquièrent
toute la Savoie, ou celle qui sous le nom « armée de Sambre-et-Meuse »
et le commandement du jeune général Jourdan entreprend la reconquête de la
Belgique. Ou l’armée qui libère tout le Roussillon.
La patrie est-elle encore en danger, quand presque tout le
territoire français est évacué par l’ennemi ?
Et si la nation est désormais en sûreté, pourquoi faut-il
continuer à tuer ?
Or, le peuple est las de voir couler le sang.
« Avant-hier, 11 floréal (30 avril), un grand nombre d’accusés
était au Tribunal révolutionnaire et soit précaution indiscrète, sans doute de
la part des exécuteurs, soit erreur, l’instrument du supplice avait été dressé
sur la place de la Révolution avant le jugement rendu, lit-on dans La
Correspondance politique.
« Déjà une foule immense de spectateurs se pressait
autour de l’échafaud et depuis longtemps était en attente, lorsque la nouvelle
est arrivée que le Tribunal venait d’acquitter tous ceux qui étaient en
jugement.
« Un cri s’élève aussitôt de tous les cœurs : “Vive
la République !” La joie brille sur tous les fronts, plusieurs citoyens se
hâtent de mettre la main à l’œuvre pour défaire l’échafaud, tous se félicitent
d’avoir vainement attendu et se répandent dans les promenades voisines en
bénissant la justice… »
Mais les têtes vont continuer de rouler.
Accusés d’avoir voulu livrer la Bretagne aux Anglais, vingt-six
administrateurs du ministère sont guillotinés à Brest. Et c’est Robespierre qui
incarne cette politique de la Grande Terreur qui, au nom de la Vertu et de la
nécessité patriotique, tue de plus en plus.
Le 3 prairial (22 mai), un ancien domestique, Admirat, qui
vit d’expédients, traîne de tripots en cafés, est l’amant d’une ci-devant, et
peut-être en relation avec un agent du baron de Batz, cherche en vain à tuer Robespierre
et tire deux coups de pistolet sur Collot d’Herbois, avouant aussitôt que c’est
l’incorruptible qu’il voulait assassiner.
Le lendemain, 4 prairial, on arrête dans la cour de la
maison des Duplay une jeune fille, accusée de vouloir poignarder Robespierre. Et
cette Cécile Renault, fille d’un papetier du quartier de la Cité, est présentée
comme une nouvelle Charlotte Corday.
À la Convention, Legendre, flagorneur, déclare que « le
Dieu de la nature n’a pas souffert que le crime fût consommé ».
Et Robespierre, extatique, ajoute :
« Quand les puissances de la terre se liguent pour tuer
un faible individu, sans doute ne doit-il pas s’obstiner à vivre, aussi n’avons-nous
pas fait entrer dans nos calculs l’avantage de vivre longuement… »
Puis, après un silence, il poursuit comme une confidence :
« Je ne tiens plus à une vie passagère que par l’amour
de la patrie et par la soif de la justice.
« J’ai assez vécu puisque j’ai vu le peuple français s’élancer
du sein de l’avilissement et de la servitude, aux cimes de la gloire et de la
liberté. »
Admirat et Cécile Renault, revêtus de la chemise rouge des
parricides comme leurs cinquante-deux « complices » – qu’ils n’avaient
jamais vus avant leur comparution devant le Tribunal révolutionnaire –, sont
condamnés à mort et exécutés, le 17 juin (29 prairial).
Parmi les suppliciés, on trouve les dames de Saint-Amaranthe
qui tenaient un salon de jeu au ci-devant Palais-Royal, où l’on rencontrait
souvent le frère cadet de l’incorruptible, Augustin Robespierre, plus homme de
plaisir que de vertu.
Et la haine contre Maximilien, « père » de la
nation, croît encore après cette parodie de justice.
À la Convention, le député de Versailles, Lecointre, proche
de Danton, rédige en secret un acte d’accusation contre Robespierre et
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