Aux armes, citoyens !
romain germanique pour l’annexion de la rive gauche du Rhin !
Succès militaires décisifs, succès politiques immenses :
les monarchies s’inclinent devant la République.
Et Carnot, au sein du Comité de salut public, a été l’« organisateur
de la victoire ». Et quand on voudra l’accuser, l’arrêter, le condamner, une
voix anonyme le rappellera à la Convention. On renoncera à le poursuivre, on ne
l’associera pas à Barère, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois et Vadier, les « grands
coupables ».
Alors, un de ces généraux à Paris ?
Pourquoi pas Marceau, commandant l’armée du Nord ?
Mais personne ne pense à ce général de vingt-six ans, Napoléon
Bonaparte, auquel on vient de retirer son commandement à l’armée d’Italie, parce
qu’il est toujours soupçonné de « robespierrisme ».
On veut le nommer, lui, le général d’artillerie, dans l’infanterie
en Vendée. Il refuse et s’installe à Paris, son sabre battant les flancs de sa
redingote usée, pauvre et dévoré d’ambition.
Oui, pourquoi pas un homme nouveau pour en finir avec ces
temps de violence et d’intrigues ?
« Car cette situation est bien faite pour dégoûter les
bonnes gens de prendre à l’avenir aucun parti dans les affaires publiques et
les engager à laisser les fous marcher seuls et sans suite… »
Et, ce 6 mars 1795, Ruault conclut :
« La nature des choses actuelles rend une forte
secousse inévitable. Mais je ne vois goutte dans tout ce chaos. Je suis devenu
athée en fait de révolution, c’est vous dire tout en deux mots. »
Comment les citoyens ne seraient-ils pas tous, comme le
libraire Ruault, gagnés par le scepticisme et l’incrédulité quand ils
apprennent, au mois de février 1795, que la Convention décide de « dépanthéoniser »
Marat qu’au mois de septembre 1794, elle avait, en grande pompe, accompagné au
Panthéon ?
Et les bandes de muscadins s’en vont dans les théâtres, les
cafés, dans les logis même, et sur les places, briser les bustes de l’Ami du
peuple.
Au lendemain de son assassinat par Charlotte Corday, on
récitait : « Le cœur de Jésus, le cœur de Marat. »
Et les Thermidoriens, après la mort de Robespierre, avaient
accepté l’entrée de Marat au Panthéon.
Mais cinq mois plus tard, aux égouts les bustes brisés de
Marat ! Il est « l’évangéliste des massacres de septembre 1792, le
patron des hommes de sang, l’homme qui réclamait deux cent mille têtes ».
Sur la scène des théâtres, un acteur déclame :
Des lauriers de Marat, il n’est point une
feuille
Qui ne retrace un crime à l’œil épouvanté.
Le Messager du soir se déchaîne contre ce « cynique
dégoûtant qui vivait publiquement avec ces misérables filles qu’on rencontre
dans les rues les plus sales et qu’un honnête homme ne voudrait pas toucher du
bout de son soulier… Pourquoi un pareil être n’est-il pas mort de pourriture ?…
Les scélérats devraient mourir comme ils ont vécu, dans la fange. Nos pères
enterraient dans la boue les assassins et les hommes immoraux et nous leur élèverions
des autels ? »
La Jeunesse dorée s’enflamme. Six cents jeunes gens, maniant
le gourdin plombé, font le tour des limonadiers pour y briser les bustes de
Marat, envahissent la salle de la Convention, en criant :
« À bas les sacrés buveurs de sang ! À bas les
sacrés scélérats ! À bas les sacrés avaleurs d’hommes ! À bas tous
ces sacrés coquins ! Nous les foutrons tous dans l’égout ! »
On les applaudit.
Ça, la Convention ! ricanent certains patriotes. Une
pétaudière pour les « ventres dorés », « ventres pourris ».
Car les sans-culottes sont attachés au souvenir de Marat, l’Ami
du peuple.
Certains murmurent qu’il faut « prêcher sa sublime
morale ». Et peut-être n’a-t-on pas assez tranché de têtes !
Un rapport de police indique que le « public commence à
se lasser de la conduite des jeunes gens. Il s’étonne que le gouvernement
paraisse approuver ces jeunes gens. »
Un autre mouchard de police signale que les Jacobins tentent
de pousser les « petites gens » à la révolte.
« Ils parcourent les greniers, les tavernes, les
ateliers pour soulever la classe ouvrière et crédule du peuple contre ce qu’ils
appellent le “million doré”, les muscadins, les boutiquiers et la Jeunesse de
Fréron… Les hommes simples ont la faiblesse d’ajouter foi
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