Aux armes, citoyens !
suffoque ! »
C’est le tumulte. Des hommes, « la poitrine débraillée
et les bras nus », crient :
« Nous demandons du pain et la chasse aux muscadins !
À bas la jeunesse de Fréron ! À bas les royalistes du café de Chartres ! »
Quand un député commence à parler, on couvre sa voix :
« Point de pain ! Point de parole ! »
« Faites-nous donc justice de l’armée de Fréron, de ces
messieurs à bâton ! »
Dans les rues, on fait la chasse aux jeunes gens à « cheveux
tressés ». On frappe de plusieurs coups dans la figure ceux qui invitent
les sans-culottes à se disperser.
Mais peu à peu, dans les rues voisines de la Convention et
dans la salle de celle-ci, on hésite. On ne sait pas quel parti prendre. Pas de
chef. Pas de but. Simplement des pétitionnaires qui réclament du pain !
Et tout à coup voici, entrant dans l’Assemblée, le « bataillon
doré » armé de fusils, de fouets, de bâtons, et accompagné de quelques
gendarmes.
Le conventionnel Legendre le guide, et vers sept heures du
soir « les furies et les séditieux » sont chassés de la Convention. Les
tribunes se remplissent du « peuple des honnêtes gens » ! Aux
abords de la Convention, on chante Le Réveil du peuple. Et dès que la
séance est reprise, on décide d’arrêter les conventionnels – une dizaine – qui
ont semblé approuver les séditieux.
Les tribunes applaudissent et elles acclament Tallien qui
leur demande de « seconder la Convention de leur énergie ».
Les « ventres dorés » l’ont si facilement emporté,
au soir du
12 germinal, que le Montagnard Barère se demande si les
manifestants n’ont pas été « ameutés à cinq francs la tête » par les
Thermidoriens afin d’avoir un prétexte pour écraser les Montagnards.
Barère n’a pas le temps de rechercher et de présenter des
preuves.
Sans discussion, la Convention décrète que Billaud-Varenne, Vadier,
Barère, Collot d’Herbois, seront déportés immédiatement en Guyane.
Et le général Pichegru, qui se trouvait à Paris, est chargé
de l’exécution du décret.
Il lui faudra prendre la tête du détachement de trois cents
jeunes gens et de gendarmes, car les sans-culottes se rassemblent et tentent d’arrêter
les voitures où l’on a entassé les prisonniers.
Pichegru fait dégager le convoi à la baïonnette.
Le 13 germinal au soir, il se présente à l’Assemblée.
« Représentants, vos décrets sont exécutés », dit-il.
On l’acclame. Il est admis aux honneurs de la séance.
Pour la première fois, un général est ovationné et honoré au
cœur de la République.
Comme un « sauveur ».
19.
Il suffit de quelques jours pour que le Paris des faubourgs,
tenaillé par la faim, en quête de pain, grogne de nouveau, maudissant les « ventres
dorés », les « ventres pourris », ces « riches et ces
députés » qui viennent d’acclamer le général Pichegru.
On lit sur les murs, faubourg Saint-Antoine et faubourg
Saint-Marcel, des affiches qui crient : « Peuple, réveille-toi ! »
Et la Convention déjà s’inquiète.
Les rapports des « mouches », ces indicateurs de
police, recueillent, dans les queues plus longues que jamais qui se forment
devant les boulangeries, des propos menaçants :
« Le 9 Thermidor devait sauver le peuple et le peuple
est victime de toutes les manœuvres, murmure-t-on. On nous avait promis que la
suppression du maximum – du prix des denrées – ramènerait à l’abondance et la
disette est au comble. Où sont les moissons ? Pourquoi les assignats
sont-ils avilis ? Il faut employer tous les moyens de subvenir à l’affreuse
misère du peuple. »
La disette devient famine et les suicides de femmes affamées
qui ne peuvent nourrir leurs enfants se multiplient.
« On ne verra bientôt plus que des cadavres ambulants
occupés à rendre les derniers devoirs à ceux qui les précèdent dans les
tombeaux », écrit un observateur de police.
La nourriture est si rare qu’on vend place Maubert des
poissons pourris. Et la famine rend fou !
On arrête un boulanger de la rue Saint-Denis qui « se
flatte d’avoir chié dans son pain, et examen fait de celui-ci on y trouva
effectivement de la merde » !
« Cas pathologique et extrême, mais il n’y a point de
froment dans les deux bouchées qu’on nous donne, c’est un ramassis de farine
faite avec des pois gris, de l’avoine et des haricots : il est de
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