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Belle Catherine

Belle Catherine

Titel: Belle Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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arme et que, si elle voulait gagner cette nouvelle bataille, il ne s'agissait pas de l'affronter avec le visage ravagé d'une victime. Son instinct lui disait qu'avec un homme tel que Gilles de Rais la faiblesse était le plus lourd désavantage !
    Rafraîchie, coiffée, elle mit un peu de parfum, une robe de velours brun doublée de satin blanc et ourlée d'une mince bande d'hermine et, renonçant aux trop solennelles coiffures à cornes, à bourrelets ou au hennin, se contenta d'entourer sa tête d'un voile blanc. Elle prit-des gants, un missel et, pour commencer, s'en alla à la chapelle où, à cette heure, l'aumônier du château avait coutume de dire, pour les serviteurs, une messe du lever du jour. Le secours de Dieu lui paraissait indispensable dans sa solitude et sa faiblesse.
    Les suites de la fête se faisaient sentir, là aussi. Hormis le chapelain et un enfant de chœur, la petite chapelle était vide et Catherine eut l'impression d'avoir Dieu pour elle toute seule. C'était, en vérité, une toute petite chapelle, mais ravissante. La passion de Gilles de Rais pour la perfection en avait fait une chose de beauté, un écrin bleu pour un autel de précieuse orfèvrerie et pour un immense crucifix d'or massif sur croix d'ébène comme Catherine n'en avait jamais vu.
    Bleues étaient les voûtes angevines dont les caissons s'étoilaient d'or, bleus les vitraux teintés de grisailles qui faisaient chanter plus haut leur profondeur, bleus les coussins qui parsemaient les bancs seigneuriaux, bleus enfin les tapis dont l'épaisseur donnait à cette chapelle quelque chose de trop luxueux et de trop sensuel. C'était un hymne à la puissance de Gilles plus qu'à la gloire de Dieu. Il devait venir là pour y rêver d'un ciel fastueux où, comme ici, il aurait la première place et régnerait en maître sur les foules à genoux.
    Mais, pour le moment, l'esprit de Catherine était fermé à la splendeur de l'oratoire. Les yeux clos, les mains jointes, elle pria de toute son âme pour obtenir la force nécessaire et pour que s'éloignât d'elle cette peur qui l'affaiblissait. Elle reçut la communion avec ferveur puis, durant de longues minutes encore, elle implora la Sainte Mère de Dieu pour tous ceux qu'elle aimait et qui, comme elle-même, étaient en grand péril. Enfin, un peu réconfortée, elle quitta la chapelle au moment où le guetteur, mal réveillé, se décidait à corner l'ouverture des portes. Le temps était clair, ce matin, et l'aurore rosissait les flaques d'eau dans la cour. Les rustauds de cuisine, bâillant éperdument, transportaient avec nonchalance les bassines de détritus que des marmitons expulsaient des cuisines. Le château s'apprêtait à balayer les dernières vapeurs de l'énorme ripaille et à commencer une nouvelle journée.
    Catherine songea un instant qu'à cette heure Gilles devait dormir, mais elle se dirigea tout de même d'un pas ferme vers ses appartements. Elle s'aperçut bientôt que c'était une entreprise ardue. Sur chaque marche de l'escalier, il y avait au moins un homme endormi. Roulés en boule ou étendus de tout leur long, les soldats sommeillaient là où l'alcool les avait abattus, certains serrant encore contre leur poitrine un tonnelet ou un hanap. Partout, il y avait des flaques de vin d'où émanait une odeur si écœurante que Catherine dut chercher dans son corsage un sachet de parfum pour le tenir contre ses narines. Tout cela ronflait effroyablement, évoquant irrésistiblement les grandes orgues déréglées d'un organiste fou.
    Quelques femmes se mêlaient aux hommes, ronflant elles aussi, la bouche grande ouverte, les cheveux collés par le vin.
    La lumière, encore incertaine dans la haute vis de pierre, violaçait les trognes enluminées tandis que la fraîcheur de l'aube bleuissait la peau des filles. Certaines cherchaient instinctivement, du fond de leur sommeil, leurs vêtements épars pour s'en protéger. Avec une grimace de dégoût, Catherine escalada tous ces corps affalés, sans trop se soucier de l'endroit où elle posait le pied.
    Dans la grande salle, le même désordre régnait, encore aggravé par les reliefs du festin qui avaient roulé un peu partout.
    Quelques seigneurs dormaient là, dans les hauts fauteuils où ils avaient festoyé. Catherine passa outre, gagnant l'autre aile. Enfin, elle parvint à la porte de la chambre de Gilles. Elle la connaissait parce que la vieille dame de Craon la lui avait montrée en lui faisant visiter le

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