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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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on avait accepté de l’héberger à condition qu’il n’empruntât pas l’ascenseur avec les Blancs et qu’il prît ses repas dans sa chambre. Il serra les lèvres. Est-ce ainsi qu’on accueillait les héros ?
    Quelques jours plus tard, Jesse parada à nouveau à New York en compagnie de ses camarades qui venaient de rentrer de Suède. Observant avec consternation que les athlètes noirs étaient transportés dans des voitures séparées, il se pencha vers Ruth et lui glissa à l’oreille :
    — On dirait qu’ils n’ont rien compris !

3
    Où le baron de Coubertin fait l’apologie du Führer
    Pierre de Coubertin paraissait encore plus fatigué que la dernière fois. Son teint était cadavérique, ses yeux larmoyaient. Craignant d’abuser de sa gentillesse, Claire Lagarde se demanda s’il fallait continuer l’entretien. Il devina son hésitation.
    — Poursuivez, marmonna-t-il. Je vous en prie !
    Claire se replongea dans ses notes et enchaîna :
    — En France, à L’Auto , notre rédacteur en chef, Jacques Goddet, estime que les Jeux ont été « défigurés » et que l’idée olympique a été sacrifiée à la propagande. Je vous ai d’ailleurs apporté un article de mon confrère Roger Perrier, intitulé « La nuit olympique ».
    Elle lui tendit la coupure de presse. Le baron la prit d’une main tremblante et la lut à voix haute :
     
    Les Jeux de la XI e  olympiade ont obtenu un succès considérable, un succès qui laisse derrière lui – et de loin – ce que les dix précédents jeux Olympiques avaient apporté au monde. Succès populaire ahurissant, puisque des millions de spectateurs ont défilé au Reichssportfeld pour assister aux évolutions des 4 000 champions représentant l’élite de la jeunesse de 49 nations. Succès sportif, puisque, dans toutes les branches du sport, les records ont été pour la plupart battus. De quoi se plaint-on ? Les Jeux de Berlin ont atteint leur but : une magnifique propagande a été faite à la cause du sport international, la jeunesse a bataillé dans l’allégresse et la concorde, la flamme olympique a poursuivi sa course à travers les âges pour le bien d’une humanité toujours plus ardente, plus courageuse et plus pure.
    Mais les Jeux de 1936 n’ont été qu’un prétexte. S’ils ont apporté leur contribution à la cause du sport – il serait puéril de le nier –, ils ont surtout servi à prouver la puissance d’Adolf Hitler sur la masse du peuple allemand. Est-ce là le but du sport ? Est-ce là, surtout, le but que le baron Pierre de Coubertin poursuivait en rénovant les Jeux de la Grèce antique ? Non, incontestablement. Mais l’histoire est un éternel recommencement. Nous voici revenus, au XX e  siècle, aux abus qui précipitèrent la fin de l’olympisme et la décadence grecque. A quel mystérieux fil conducteur obéit donc l’humanité sur notre étrange planète ? Dans une Europe cahotée, où les dictateurs les plus divers s’enchevêtrent dangereusement, les jeux Olympiques viennent semer un étrange sujet de panique. Abus ? Mais abus partout. Jusque dans cet engouement immense d’une foule qui veut à tout prix voir gagner un des siens. Jusque dans cette levée en masse vers les tribunes du Stadion de gens qui s’y ruaient sans savoir ce qu’ils allaient faire ! Abus sur le Stadion même. Déformation de l’idée qu’on doit se faire de l’athlète qui n’est plus maintenant qu’un instrument entre les mains d’un gouvernement pour la gloire duquel il doit triompher…
     
    Pierre de Coubertin s’interrompit et, d’un geste brusque, rendit l’article à Claire.
    — Qu’en pensez-vous ? lui demanda-t-elle.
    — C’est entièrement faux, protesta-t-il. La grandiose réussite des Jeux de Berlin a magnifiquement servi l’idéal olympique. On s’inquiète en France de ce que les Jeux de 1936 ont été modelés par la discipline hitlérienne. Comment pourrait-il en être autrement ? Il est éminemment souhaitable au contraire que les Jeux entrent ainsi, avec ce bonheur, dans le vêtement que chaque peuple tisse pendant quatre ans à leur intention. Je tiens d’ailleurs à féliciter hautement M. Hitler, en qui je salue un des plus grands esprits constructeurs de ce temps, d’avoir magnifiquement servi, sans le défigurer, l’idéal olympique.
    Hitler, « un des plus grands esprits constructeurs de ce temps » ? Claire se pinça les lèvres. Comment le baron pouvait-il

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