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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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verra…
    Excédé, Larry Snyder sortit de ses gonds :
    — Si vous économisiez l’argent que vous dépensez en communications téléphoniques inutiles, vous n’auriez pas besoin d’exploiter nos athlètes !
    Ayant prononcé ces mots, il raccrocha d’un geste brusque et regagna le hall. A sa mine défaite, Jesse comprit qu’il venait d’essuyer les foudres de son patron.
    — Ils sont fous, murmura Snyder en passant une main dans ses cheveux. Ils ne veulent rien entendre : ce sera Stockholm ou la suspension !
    Jesse sursauta.
    — Tu crois qu’ils sont sérieux ? Me suspendre, moi, après toutes les victoires que j’ai remportées ?
    — Ils sont intransigeants, soupira l’entraîneur. Pour eux, la discipline passe avant tout ! Rappelle-toi le cas de ton idole, Charley Paddock. Ne l’ont-ils pas suspendu pendant un an pour avoir couru à Paris sans leur bénédiction ? Et Eleanor Holm ? Ils ont sacrifié une médaille d’or assurée pour la punir !
    Les deux hommes se turent un long moment, accablés.
    — Qu’est-ce qu’on fait ? demanda enfin Larry Snyder. Si tu es suspendu, ton avenir dans l’athlétisme sera sérieusement compromis…
    — J’ai atteint le sommet, coach , répondit son protégé en haussant les épaules Et je reçois de nombreuses propositions qui devraient m’assurer une reconversion réussie…
    — Alors, on tient bon ?
    Le regard de Jesse se durcit.
    — Oui, coach, on tient bon. Il y va de notre dignité !
     
    Le lendemain matin, au cours d’une conférence de presse tenue à Berlin, Avery Brundage annonça aux journalistes du monde entier qu’il avait décidé de suspendre Jesse Owens « parce qu’il n’avait pas rempli ses obligations professionnelles ». Interrogé au téléphone par Eleanor Holm, Jesse expliqua que « l’AAU garde tout l’argent et ne donne rien aux athlètes. C’est du racket ! » Eleanor n’en demandait pas tant.
    *
    La traversée dura quatre jours et sept heures. A bord du Queen Mary , Jesse Owens mangea bien, dansa beaucoup et oublia ses démêlés avec les bureaucrates du sport dans les bras d’une belle blonde nommée Marjorie Shaw. Lorsque le paquebot entra dans le port de New York, il revêtit son costume noir rayé orné d’une pochette blanche et coiffa son chapeau. A terre, il fut assailli par une meute de journalistes désireux de le prendre en photo ou d’en savoir plus sur ses exploits et sur son conflit avec Brundage. Il leur répondit par un sourire, signa quelques autographes et joua des coudes pour se frayer un chemin jusqu’à sa femme, ses parents et son frère Sylvester qui l’attendaient sur le quai, endimanchés et chargés de bouquets.
    — Mon bébé, mon merveilleux garçon ! s’exclama Emma en serrant son fils contre son coeur. Je suis si fière de toi !
    — Je t’aime, Momma , parvint-il à articuler en l’embrassant.
    Il chercha Ruth du regard. Elégamment vêtue, elle l’observait en souriant.
    — Tu m’as tellement manqué ! murmura-t-elle en l’enlaçant.
    — Toi aussi, mon amour. Et Gloria ?
    — Elle attend son papa à la maison !
    Au moment de monter à bord de la Lincoln décapotable qui l’attendait, Jesse aperçut un vieux monsieur portant des lunettes rondes, un chapeau blanc et un noeud papillon, qui agitait timidement la main pour le saluer.
    — Charles Riley !
    Il abandonna ses bagages et alla droit vers lui.
    — Je suis fier de toi, Jesse, murmura-t-il en le serrant dans ses bras.
    — Si je suis là, coach , c’est en grande partie grâce à toi…
    Il lui pinça affectueusement la joue et lui demanda :
    — Tu l’as toujours, ton vieux tacot ?
    — La Ford modèle T ? Oui, mais elle est en piteux état, répondit Riley, surpris par la question. Pourquoi ?
    — Parce que je me suis juré de t’offrir une Chevy à la première occasion !
     
    Le retour à Cleveland fut triomphal. Jesse Owens fut accueilli en héros et acclamé par une foule en délire qui lui lançait des confettis et lui offrait toutes sortes de cadeaux.
    — Où logeons-nous ? demanda-t-il, le soir, à sa famille.
    — Chez un ami ! répondit Sylvester.
    — Pourquoi pas à l’hôtel ?
    — Nous avons fait hier le tour des hôtels de la ville. Aucun n’a accepté de louer une chambre à des Noirs !
    Jesse ne parut pas surpris. Il avait déjà connu, à deux reprises, cette expérience amère : avec Dave, à Kokomo ; et à l’hôtel Pfister où, un jour,

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