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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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agitée doucement.
    Aussitôt les servantes commencèrent leur office.
    Lucrèce Borgia était vêtue – mais juste assez pour apparaître aux convives plus désirable encore. Une gaze légère recouvrait sa nudité, sa beauté, un peu massive – des formes qui semblaient taillées en plein marbre.
    De temps à autre, elle jetait un regard furtif vers la portière de brocard qui frémissait imperceptiblement. Mais si léger que fût ce frisson de l’étoffe, il suffisait à Lucrèce pour lui faire comprendre que quelqu’un la regardait et l’écoutait.
    – Que dit-on dans notre bonne ville de Rome ? demanda-t-elle.
    – Parbleu, madame, on raconte une chose fabuleuse, inouïe, incroyable…
    – Et que raconte-t-on, duc de Rienzi ?
    – Duc ! interrompit François Borgia d’un ton presque suppliant.
    – C’est une histoire d’amour ! reprit le duc.
    – Voyons l’histoire… dit Lucrèce… L’amour… la seule chose vraie, la seule digne qu’on vive et qu’on meure pour elle !…
    En même temps, elle enlaçait le cou de François…
    – Racontez, duc ! ordonna-t-elle d’une voix pâmée.
    – Oui, oui ! s’écrièrent les convives. De l’amour ! Ne parlons que d’amour !
    – Oh ! continua le duc de Rienzi, c’est un amour pur et virginal. J’ai presque de la honte à le dire ici…
    – Parlez, fit César d’un ton bref.
    – Puisque c’est vous-même qui l’ordonnez, monseigneur… On dit donc qu’un célèbre capitaine, le plus noble qui soit, se trouve amoureux…
    Les regards convergèrent vers César.
    – Mais, reprit le duc, amoureux comme il ne le fut jamais. Lui qui, assure-t-on, avait un cœur de bronze, a maintenant un cœur de colombe… il soupire, il gémit… Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que l’objet de sa flamme se trouve être une inconnue que nul n’a pu approcher… Et enfin, où l’histoire devient invraisemblable, mais demeure pourtant véridique, c’est que l’inconnue loin d’accueillir avec transport et reconnaissance les offres de ce grand capitaine, les repousse et les dédaigne !…
    – Et le nom du bel amoureux ? demanda Lucrèce.
    – Cherchez ! bégaya le duc de Rienzi tout à fait ivre… Il est parmi nous…
    – Inutile ! gronda César Borgia. L’amoureux, c’est moi !… Et malheur à qui trouverait à y redire !…
    – Monseigneur !… Croyez…
    – Quant à la femme je vous jure que, sous peu, elle aura cessé de me dédaigner !…
    Lucrèce éclata de rire.
    – Ainsi, mon cher César, fit-elle, vous me trahissez ?… Vous m’abandonnez ?…
    – Non pas ! répondit César qui sentait son cerveau se troubler dans une ivresse envahissante, ivresse du vin, ivresse des sens, ivresse de l’orgueil.
    Et il continua, balbutiant :
    – Non, Lucrèce, je ne te trahis pas, tu es à moi ! Comme elle sera à moi, elle aussi !… Comme ta femme, Rienzi, a été à moi !… Comme tout doit être à moi ! à moi ! à moi seul ! Entendez-vous, vous tous !…
    Il haletait. Son regard lançait des éclairs sanglants… Ce fut à cette minute précise que Lucrèce, se levant, saisit François, duc de Gandie, dans ses deux bras.
    François subit ce baiser, avec une pâleur croissante. Il essaya vainement de se dégager…
    – Enfer ! rugit César Borgia qui, d’une poussée furieuse, repoussa la table.
    En même temps, il saisit son poignard qui était resté planté devant lui et, hagard, s’avança sur son frère François… D’un bond, il fut sur lui.
    Son bras se leva, puis s’abaissa dans un geste foudroyant. L’arme pénétra tout entière dans la poitrine du duc de Gandie. Celui-ci tomba à la renverse. Sa bouche vomit un flot de sang.
    Les spectateurs de cette scène, épouvantés, demeurèrent comme pétrifiés. Lucrèce s’était reculée, simplement, et un singulier sourire vint errer sur ses lèvres.
    – À moi, râlait l’infortuné duc de Gandie… à moi !… Oh !… je brûle… De l’eau !… par pitié !… Un peu d’eau…
    – Ah ! tu veux de l’eau, fit César dans un ricanement sinistre. Attends, mon frère, je vais te faire boire !…
    Alors on vit une chose monstrueuse. César Borgia se baissa, saisit son frère par les pieds et, traînant ainsi le corps dont la tête livide s’ensanglantait sur les dalles, il l’emporta en hurlant :
    – De l’eau pour mon frère François ! De l’eau pour l’amant de Lucrèce !… Toute l’eau du Tibre pour

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