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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Tibre où l’on a retrouvé le duc de Gandie… n’est-ce pas ?
    Bartholomeo devint cramoisi, puis livide de terreur.
    – Je n’en sais rien, Excellence… Rien, je vous jure ! je ne dis rien, je ne suppose rien, je ne sais rien…
    Le chevalier se dirigea, au pas de sa monture, vers le château Saint-Ange et passa Saint-Pierre. Là, sur la place dallée, venaient aboutir et se perdre en de sombres remous les fleuves d’hommes que déversaient toutes les rues.
    La nouvelle de la mort de François Borgia avait produit une profonde impression.
    Ragastens observa la foule qu’il fendait lentement du poitrail du Capitan. De sourdes rumeurs faisaient tressaillir cette foule et couraient à sa surface comme les souffles d’une prochaine tempête sur la face des mers. Dans certains groupes, on n’hésitait pas à dire qu’il fallait venger la mort de François. Et, au mot de vengeance, des regards se tournaient vers le château Saint-Ange. De toute évidence, ces regards menaçaient César.
    Préoccupé de ce qu’il voyait et entendait, Ragastens ne fit pas attention à un homme – un religieux, un moine ! – qui parcourait les groupes, glissant un mot dans l’oreille des uns, faisant à d’autres des signes mystérieux. Ce moine, c’était Dom Garconio.
    À quelle besogne se livrait-il ?
    C’est ce que se fût demandé le chevalier s’il eût vu le moine. Mais, comme nous l’avons dit, il marchait, tâchant de recueillir les impressions qui se dégageaient de la foule, puis songeant à l’étrange entrevue qu’il avait eue la veille avec Béatrix. L’image de la jeune fille flottant devant ses yeux finit par l’absorber complètement.
    Et lorsqu’il fut parvenu devant la porte du château Saint-Ange, une modification extraordinaire s’était opérée dans l’attitude de la foule. Tout brave qu’il était, Ragastens eût sans doute frémi s’il eût vu à ce moment les yeux luisants qui se braquaient sur lui, et les sourires mauvais qui l’accompagnaient. Mais il ne vit rien et, paisiblement, pénétra dans la cour du château, sillonnée de laquais, de soldats, d’officiers et de seigneurs.
    Ragastens avait mis pied à terre et, assez embarrassé, regardait autour de lui sans trop savoir à qui s’adresser, lorsqu’une voix de basse-taille retentit à ses côtés.
    – Comment, « facchini » !… Vous ne voyez pas que M. le chevalier de Ragastens vous tend la bride de sa monture ?
    Les laquais auxquels s’adressait cette apostrophe se précipitèrent vers le chevalier et, avec toutes les marques d’un grand respect, s’emparèrent de Capitan, qu’ils conduisirent dans l’une des vastes écuries du château. Ragastens s’était retourné vers celui qui venait si à propos de le tirer d’embarras.
    – Le baron Astorre ! s’écria-t-il non sans surprise.
    – Moi-même, répondit le colosse, enchanté de me mettre à votre disposition, pour vous guider à travers cette petite ville touffue qu’est le château de Saint-Ange !
    – Ma foi, mon cher baron, je vous suis vraiment obligé de l’offre… Mais permettez-moi de m’enquérir de votre santé… Bien que vous ayez le bras en écharpe, j’espère que je n’aurais pas été assez maladroit pour vous endommager sérieusement…
    – Vous le voyez, chevalier, je n’ai pas l’air d’un moribond ; par tous les diables, l’épée qui doit m’envoyer ad patres n’est pas encore forgée… Mais venez… je vais vous conduire jusqu’aux appartements de monseigneur César qui, en ce moment, est en conférence avec son illustre Père…
    Le baron lui fit monter un somptueux escalier de granit rose, au haut duquel commençait une enfilade de salles décorées avec un luxe plus sobre que celui du Palais-Riant. Ils arrivèrent ainsi à une sorte de vaste salon où grouillait tout un monde de seigneurs chamarrés, de gardes, de courtisans, qui bavardaient sans la moindre retenue.
    – Messieurs, dit Astorre de façon à dominer les conversations, permettez-moi de vous présenter M. le chevalier de Ragastens, gentilhomme français, venu en Italie pour nous montrer à tous comment on manie une épée et qui a débuté par me donner, à moi l’Invincible Astorre, une leçon dont je me souviendrai longtemps !
    Tous les regards convergèrent sur le chevalier. Ragastens tressaillit. Car il lui avait semblé démêler dans la voix d’Astorre quelque intonation ironique et c’étaient des regards moqueurs qui se

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