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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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sixième étage. Georges Marchais, lui, préfère se diriger vers l'équipe de télévision installée à côté de la salle marron et beige où le CC siège depuis la veille. Il y tient le même discours qu'il a tenu la veille, et qu'il tient d'ailleurs depuis la rupture du 21 septembre.
    Ce qui est inouï, c'est que pendant les trente-six heures qu'a duré le comité central, aucun des trente orateurs inscrits n'a discuté l'analyse qu'il a faite, lui, pendant une heure et demie : personne pour critiquer la manière dont la direction communiste a conduit les négociations avec les socialistes, personne pour se demander si, vraiment, Mitterrand est seul responsable de la rupture. Pas un mot sur tout cela.
    La « bande à Marchais » – Charles Fiterman, Jean Colpin, Claude Poperen – tient ses hommes au comité central. Ailleurs, ce que m'ont dit Elleinstein et Guy Bois le révèle assez clairement, il est largement contesté. Que personne n'ose même en dire un mot au comité central montre bien que le centralisme démocratique vit encore.

    6 octobre dans la nuit
    Raymond Barre à la télévision. Une charge contre François Mitterrand : le Premier ministre jusqu'ici si courtois se transforme sur le petit écran en procureur. À ses yeux, le premier secrétaire du Parti socialiste n'est que l'héritier ignorant de ces quarante-huitards qui, tout à leurs rêveries lyriques et lamartiniennes, ont, depuis le xix e  siècle, fait prendre des années de retard à l'économie française. J'y reviendrai, mais j'ai l'impression que Barre y reviendra aussi !

    7 octobre
    Georges Sarre me parle longuement de l'autogestion, nouveau dada du Ceres. Selon lui, chacun, à gauche, s'y est rallié ou est prêt à le faire. Ce n'est, à l'entendre, qu'une question de jours.
    « L'autogestion, soutient-il, voit la convergence de plusieurs critiques, ce qui fait sa force et son originalité ! »
    Il développe son plaidoyer : elle implique à la fois la critique du capitalisme et du marxisme, de toutes les idéologies autoritaires, des sociétés bureaucratiques. En réalité, elle est le seul moyen de réduire progressivement la distance entre gouvernants et gouvernés, entre dirigeants et dirigés. « Après l'échec de la révolution des soviets, celui des conseils ouvriers en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l'Est, autre chose est possible : le PS a raison d'en faire une perspective ! »
    Qui ça, je demande, au PS ? Je ne crois pas que François Mitterrand soit devenu un partisan de l'autogestion ! À en croire le porte-parole du Ceres, les applications du principe d'autogestion sont multiples. Région, ville, entreprise, l'essentiel est que les travailleurs mènent bataille pour le contrôle : « Le contrôle, c'est le pouvoir ! »
    Suit une logorrhée : sur la planification démocratique, la Yougoslavie, la démocratie dans l'entreprise, le renforcement nécessaire des pouvoirs syndicaux, la création de cellules politiques dans l'entreprise, l'élaboration collective de la prise de décision... Si Mitterrand l'entendait !

    11 octobre
    Yves Guéna 8 évoque devant moi le délicat problème des investitures RPR pour les prochaines élections dans un contexte où les giscardiens entendent se tailler une place au soleil. Il trouve que les élus gaullistes, déjà en place ou espérant l'être, sont nerveux, que les difficultés surgissent à tous les coins de rue. Il a fallu en écarter certains, les persuader de laisser leur place à des nouveaux : ce n'est jamais facile. « Le principe posé, me résume-t-il, est somme toute assez simple : partout où nous tenons la circonscription, pas question que nous soyons absents. »
    Il y aura donc des primaires, puisque le RPR aura 400 candidats. Très peu de femmes, qui, me dit-il avec sobriété, « n'affluent pas ».
    Au passage, il conteste cette idée reçue, que je faisais d'ailleurs mienne sans y réfléchir, selon laquelle les « caïds » du RPR ne se verraient opposer aucun candidat giscardien, tandis que les candidats de « moindre envergure » en trouveraient en face d'eux dans des primaires. Faux, me dit-il. Exemple : Jean de Lipkowski (UDR) se verra opposer Dominique Bussereau en Charente-Maritime. Ce n'est d'ailleurs pas forcément de mauvais augure pour la majorité, puisque, ajoute Guéna, « nous restons persuadés que les candidatures multiples sont parfois préférables, pour labourer le terrain, à une candidature

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