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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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unique ».
    Sauf, évidemment, si la gauche est trop forte, comme en Seine-Saint-Denis.
    Rassembler tout le troupeau n'est quand même pas chose facile pour l'état-major de Jacques Chirac : même lorsque les deux partis de la majorité tombent d'accord sur une candidature unique, il restera, me dit-il, des candidatures marginales dans la majorité. Conclusion : il y aura des primaires à peu près partout. Le RPR annoncera ses candidats « par rafales et par secteur géographique ».
    Chirac a demandé qu'on aide certains jeunes : Alain Juppé à Mont-de-Marsan, André Turcat, pilote d'essai de son état, à Toulouse, Michel Aurillac à Châteauroux, et François Kosciusko-Morizet à Reims.
    Jean Taulelle, ancien préfet de Paris, se retrouve candidat désigné dans la 3 e  circonscription de Saône-et-Loire, au Creusot. Guéna me raconte comment il le lui a annoncé :
    « Allô, Monsieur le préfet, la 3 e  circonscription de Saône-et-Loire est libre. Nous vous demandons d'y aller.
    – Euh, c'est-à-dire, ma femme trouve que...
    – Puisqu'elle m'en veut lorsque je ne lui donne pas d'investiture, peut-elle m'en vouloir quand je vous en donne une ? »
    Voilà comment le tout dernier préfet de Paris, à qui l'élection de Jacques Chirac à la mairie de Paris a supprimé une partie, la plus grande, de ses prérogatives étatiques, se retrouvera sans doute au Creusot !

    Claude Imbert 9 raconte son déjeuner avec Raymond Barre, qui l'a reçu aujourd'hui à Matignon. Les propos du Premier ministre à la télévision, la semaine dernière, n'étaient pas fortuits. Il a pris Mitterrand dans son collimateur politique, et compte bien continuer sur ce registre.
    « L'analyse du président Giscard, a-t-il dit à son interlocuteur, est approximativement la mienne : mais il est plus réservé, plus prudent dans sa façon de la formuler. Moi, je peux me tromper du tout au tout, certes, mais ma conviction profonde est que Monsieur Mitterrand [il dit toujours “Monsieur” quand il parle de Mitterrand, avec quelque chose de désapprobateur dans ce “Monsieur”] est un homme tout à fait nuisible à la France. C'est, oui, la dernière manifestation du lyrisme de 1848. Son rêve révolutionnaire est le plus vague, le plus creux possible. C'est de la pure rhétorique. »
    Il a lu, a-t-il dit à Claude Imbert, le livre de Franz-Olivier Giesbert 10 sur Mitterrand. « Cela n'a fait que me renforcer dans cette idée. J'ai rencontré Monsieur Mitterrand quatre fois seulement, la dernière au cours du débat de la semaine dernière. Il ne donne jamais de chiffres, se limite à des appréciations romantiques, romanesques. C'est un auteur égaré dans la vie politique. »
    Point de vue inattendu – et, je dirais, volontiers : franchement gonflé – de la part d'un professeur de sciences économiques dont tout le monde, en dehors ou au sein de la majorité, se demande ce qu'il est venu faire en politique. L'idée que Mitterrand serait un touriste de la vie politique est pour le moins originale, mais passons.
    Il paraît que Barre a continué sur ce registre pendant près de dix minutes : « Je connais le point de vue de Monsieur Delors, je connais celui de Monsieur Rocard, a-t-il poursuivi. Tous deux pensent que Monsieur Mitterrand n'a que faire des promesses et des engagements qu'il prend. »
    Sa conclusion sur ce point : « Quand François Mitterrand aura perdu les élections, le PS s'en débarrassera. Sur lui se repliera l'aile sombre de l'échec. »
    Le PC ?
    « Il en faut un en France, admet nonchalamment Raymond Barre, c'est un résidu gallican ! »
    À ce propos, il ne résiste pas au plaisir de citer ce qu'il appelle une note de synthèse de la police 11 selon laquelle le problème de la rupture avec les socialistes aurait été posé pour la première fois en avril 1976 au cours d'un comité central où Georges Marchais aurait été mis en minorité sans qu'il y ait vote. Le secrétaire général du PC aurait alors demandé un sursis dans l'attente des municipales de mars 1977 : si se renforçait alors l'impression que le PS continuait sa progression (et le PC sa descente !), alors il ferait machine arrière. Ce qui a été le cas.
    « J'ai le sentiment, a dit Barre à ce sujet, que c'est l'explication la plus cohérente de la rupture ! »
    Reste un autre gros morceau de la conversation avec Imbert : Chirac. Barre en parle, semble-t-il, avec une irritation

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