Caïn et Abel
habitants de la terre ! », car Rome, la Grande Prostituée, la Babylone maléfique et corrompue, brûle six jours et sept nuits durant.
Les flammes courent du Palatin au Vélabre, gravissent les collines, et les ruelles sont devenues des torrents de feu.
Néron contemple l’incendie.
Et Jean dicte à Prochoros :
« Que l’intelligent calcule le chiffre de la Bête, car c’est un chiffre d’homme, et ce chiffre est 666. »
Traçant César-Néron en caractères hébreux, Prochoros sait que la somme des valeurs numériques est bien 666.
Les chiens dévorent hommes, femmes et enfants, cependant que Néron cherche à détourner les accusations d’incendiaire que certains, dans la foule affolée, profèrent contre lui.
Qu’on tue les chrétiens ! Qu’on les désigne comme coupables, qu’on les livre aux animaux féroces, aux chiens affamés, qu’on les crucifie, qu’on les brûle !
Pierre a été crucifié, tête en bas, parce qu’il a tenu ainsi à montrer qu’il n’était rien qu’un apôtre dévoué à Dieu, mais ne pouvant connaître le même sort que le Christ, crucifié la tête levée vers le ciel. Jean se cache, dit-on, avant de gagner Éphèse. Paul va être livré au bourreau qui, par respect dû à un citoyen romain, lui tranchera la tête, lui épargnant la crucifixion, supplice réservé aux esclaves et aux criminels sujets de Rome.
Ils sont des milliers de chrétiens à être jetés dans l’arène, cousus dans des peaux de bêtes afin d’exciter la rage des chiens.
D’autres sont crucifiés, enduits de résine, puis leurs corps et les croix enflammés servent à illuminer les jardins de Néron dans lesquels la foule se presse.
« Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre ! »
Pierre est mort, Paul est mort, Jean survit.
Pourquoi Dieu choisit-Il celui-ci de préférence à celui-là ?
Pourquoi Marie, ma fille, s’est-elle tranché les poignets et la gorge ?
Pourquoi Dieu n’a-t-Il pas retenu cette main armée ?
Quelle faute Marie avait-elle commise ?
Est-elle morte pour moi, détournant la colère de Dieu qui allait me frapper, ou bien sa mort et ma douleur sont-elles mon châtiment ?
La mort de Marie est-elle une victoire du Diable ?
Des années se sont écoulées depuis l’incendie de Rome. L’empereur Domitien a succédé à Néron et c’est la quatorzième année de son règne.
Je marche aux côtés de Prochoros et de Jean. Nous sommes enchaînés à d’autres chrétiens arrêtés dans toutes les villes romaines de Mysie, de Lydie, d’Asie, de Galatie et de Cappadoce. Les procurateurs ont obéi aux ordres de Domitien. Nous partons en exil et les légionnaires qui nous entourent tuent tous ceux, femmes, enfants ou vieillards, qui ne peuvent suivre l’allure de la marche. Le centurion les frappe, puis, d’un signe adressé à l’un de ses soldats, donne l’ordre d’égorger le traînard. Les vautours escortent notre colonne ; dansun grand battement d’ailes, ils fondent sur les corps encore pantelants.
Arrivés sur les quais du port d’Éphèse, nous ne sommes plus que des ombres. On nous pousse, on nous jette sur un navire qui doit nous conduire au bagne impérial de Patmos.
C’est là, dans une grotte de cette île, que Jean commence à dicter à Prochoros son Apocalypse.
« Moi, Jean, votre frère, votre compagnon d’affliction, de règne et de résistance en Jésus, j’ai été dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus que je portais.
« J’ai entendu derrière moi une grande voix, comme de trompette, qui disait : “Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises : Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée.”
« Je me suis retourné pour voir cette voix qui me parlait et, retourné, j’ai vu sept lampes d’or.
« Et, au milieu des lampes, une sorte de fils d’homme revêtu jusqu’aux pieds, ceint à hauteur de poitrine d’une ceinture d’or, blanc de tête et de cheveux à l’instar d’une laine blanche comme neige, ses yeux comme une flamme de feu, ses pieds pareils à des bronzes de Liban en ardente fournaise, sa voix comme la voix des grosses eaux,avec sept étoiles dans la main droite et une épée aiguë à deux tranchants sortant de la bouche, et son visage comme brille le soleil dans toute sa force.
« Quand je l’ai vu, je suis tombé comme mort à ses pieds. Il a posé sur moi sa main
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