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Caïn et Abel

Caïn et Abel

Titel: Caïn et Abel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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un figuier secoué de grand vent jette ses figues vertes. »
     
    Je ferme les yeux, pose ma tête sur le livre comme un homme qui attend le coup qui va trancher sa nuque, et qui s’offre en sacrifice pour racheter son crime.
    « Car il est venu, le grand jour de la colère, et qui peut tenir debout ? »

45
    Apocalypse et Espérance
    VII
    « Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif et jamais plus le soleil ne les frappera, ni aucune brûlure. »
    Apocalypse de Jean, VII, 16.
    Je reste immobile, la nuque offerte.
    Mais il me semble que l’énorme vague noire s’est figée. Elle était prête à déferler, mais tout dans l’univers s’est arrêté. Le glaive est brandi, mais ne s’abat pas.
     
    La mort attend, mais je ne suis pas prêt à l’accueillir.
    Je n’ai pas le courage du sacrifice, je ne peux retourner la lame contre moi.
    J’espère encore que Dieu acceptera ma lâcheté, qu’Il usera de Sa compassion pour que la mort me saisisse par surprise, que je meure vivant, d’une pierre tombée alors que je longe la falaise.
    Ou bien que, dans mon sommeil, ma tête explose, mon cœur se fende, mon sang me noie, en sorte que je glisse de l’inconscience à la mort.
     
    J’attends.
    C’est un moment de répit, un ultime sursis pour moi, pour tous les hommes, pour l’univers.
    La Bête n’est pas lâchée.
    Le septième sceau n’est pas brisé.
    Je ne suis pas livré, précipité dans les flammes. L’homme peut se sauver s’il entend les paroles que Jean a retranscrites dans l’Apocalypse :
    « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et dînerai avec lui, et lui avec moi…
    « Ne nuisez pas à la terre ni à la mer ni aux arbres tant que nous n’aurons pas scellé au front les esclaves de notre Dieu. »
     
    J’ouvre la porte. La lune est couleur de sang.
    Je ne sais qui j’attends alors que, je le pressens, le répit qui m’est accordé, qui a été concédé aux hommes, est sur le point de s’achever.
    Il faudrait que les hommes se réconcilient et se partagent entre la terre et l’eau.
    Il faudrait que plus personne, du haut de son intérêt, de sa foi, de sa haine, ne désigne le peuple qu’il faut exterminer.
    Il faudrait que les plus pauvres des enfants soient accueillis comme s’ils étaient des rois mages.
    Il faudrait que Caïn ne tue pas Abel.
    Il faudrait que la chair devienne esprit.
     
    Je reste sur le seuil.
    Je sais qui j’attends, qui j’espère.
    Mais Claudia n’est pas venue.
    J’ai abandonné Marie, ma fille, et elle est morte.

46
    Apocalypse et Espérance
    VIII
    « Et j’ai vu et entendu un aigle voler au zénith et dire à grande voix : “Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre !” »
    Apocalypse de Jean, VIII, 13.
    Maintenant, c’est l’orage.
    La pluie crépite contre les vitres, martèle les tuiles.
    Le vent s’infiltre en hurlant, donne des coups de boutoir contre la porte.
    J’ai l’impression qu’il a la force de soulever et de renverser la bergerie.
    Je m’accroche au rebord de la table, devant l’écran noir de l’ordinateur.
    Le septième sceau a été brisé. Le sursis est achevé.
    L’instant est proche. L’heure, venue.
    J’ouvre le livre. Je ne peux lire dans l’obscurité, mais je me souviens de ce qu’écrit Jean au chapitre VIII de l’Apocalypse.
     
    Jean décrit sans nommer. Moi, j’arrache les masques et dis ce que je vois.
    Voici le feu nucléaire qui détruit les villes de Nagasaki et de Hiroshima.
    Voici Auschwitz et la barbarie absolue.
    Voici les bombes au phosphore qui transforment en torches les habitants de Dresde.
    Chaque pays, au lieu de nourrir son peuple, construit des silos pour accueillir les fusées capables de porter la mort aux antipodes.
    « Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre !
    « Le tiers du soleil et le tiers de la lune et le tiers des étoiles ont été frappés. Ils ont été obscurcis d’un tiers, et le jour a brillé un tiers en moins, et la nuit de même. »
     
    Les prophéties qu’énonce Jean décrivent notre xx e  siècle et le xxi e qui commence.
    Les poussières, les fumées de nos usines, les gaz de nos voitures voilent le ciel d’un rideau gris en passe de virer au noir.
    Et nous avançons dans la pénombre, un masque sur nos visages pour ne pas respirer l’air vicié, chargé de particules mortelles.
    La terre tremble. Maisons et palais s’effondrent.

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