Catherine des grands chemins
indispensables. Plus de bavardages interminables durant la toilette, plus de remontrances ou de conseils. Le visage de Sara était devenu curieusement inexpressif. Il paraissait figé, mais, parfois, le matin, Catherine y découvrait des traces de larmes qui éveillaient un instant le remords dans son cœur. Cela ne durait pas. Pierre apparaissait, avec son sourire, ses yeux chargés d'amour, et la jeune femme, repoussant tout ce qui pouvait ternir sa griserie nouvelle, se tournait avidement vers cette source de jouvence et d'insouciance qu'il représentait. La nuit, dans le silence de sa chambre, elle s'avouait qu'elle avait de plus en plus de mal à se défendre contre la cour pressante que Pierre lui faisait, contre ses mots d'amour, contre la caresse de ses lèvres sur sa main, contre ses regards qui demandaient sans cesse davantage ; c'était comme une douce pente herbeuse, un peu glissante, mais tellement fleurie que l'on s'y laissait aller volontiers. Et, pour le cœur meurtri de Catherine, cet amour d'été avait la fraîcheur d'une rosée bienfaisante sous laquelle il pouvait de nouveau s'épanouir.
Un soir, alors qu'ils se promenaient tous deux sous les arbres du verger, la douceur de la nuit, l'ombre épaisse des branches de feuilles et de fruits en formation, les paroles de passion que Pierre murmurait à son oreille poussèrent Catherine à un demi-abandon. Elle laissa aller sa tête sur l'épaule du jeune homme, lui permit de glisser son bras autour de sa taille...
Doucement, il la serra contre lui et ils demeurèrent là un bon moment, n'osant bouger, écoutant leurs deux cœurs dans leurs poitrines rapprochées. Catherine se laissait envahir par le délicieux sentiment d'être enfin à l'abri, d'être protégée, défendue. Il l'aimait, il était tout à elle.. D'un seul mot elle pouvait l'enchaîner pour la vie. Et ce mot, justement, il le réclamait.
— Elle leva la tête pour chercher, à travers les branches, la voûte étoilée du ciel, mais un long frisson la secoua : les lèvres du jeune homme s'étaient doucement emparées des siennes, doucement d'abord puis avec une sorte d'âpreté. Elle le sentit trembler contre elle, s'accrocha plus fermement à ses larges épaules vêtues de soie.
Pourtant ce baiser était encore timide, Catherine sentait que Pierre se faisait violence pour ne pas la broyer entre ses bras, l'entraîner avec lui sur l'herbe douce... Contre son oreille, elle l'entendit supplier : Catherine. Catherine ? Quand serez-vous à moi ? Vous voyez bien que j'en meurs.
— Ayez patience, mon ami... Il faut me laisser un peu de temps encore.
— Pourquoi ? Vous serez à moi, je le sens, j'en suis sûr. Tout à l'heure, vous avez frissonné quand je vous ai embrassée. Catherine, nous sommes jeunes tous les deux, ardents tous les deux... pourquoi attendre, pourquoi gâcher les heures si belles que le temps nous accorde ? Bientôt, il faudra que je parte. Beaucoup de mes compagnons sont déjà retournés au combat, je suis presque seul à m'attarder et l'Anglais tient toujours les meilleures places du Maine et de Normandie. Épousez- moi, Catherine...
Elle secoua la tête.
— Non, Pierre... pas encore ! C'est trop tôt...
— Alors, soyez au moins à moi, je saurai attendre que vous me tendiez enfin la main. Car vous me la tendrez. Vous serez ma femme et moi je passerai mes jours à vous adorer. Catherine, ne me laissez pas partir sans vous avoir faite mienne. L'image de vous que je garde, cette image de notre première rencontre, elle me brûle chaque fois que je ferme les yeux.
Catherine se sentit rougir. Elle aussi se souvenait de l'entrée tumultueuse de Pierre dans sa chambre tandis qu'elle prenait son bain.
Il l'avait déjà vue sans vêtements et, curieusement, cela le rapprocha d'elle comme s'il l'avait connue depuis longtemps. Elle s'abandonna plus mollement contre sa poitrine. Il avait repris ses lèvres sans qu'elle s'en défendît. D'une main, il la retenait contre lui, mais son autre main, libre, dénouait doucement les minces rubans d'argent de sa gorgerette, élargissant le décolleté encore sévère de la robe, cherchant la douceur de la peau. Elle le laissait faire, passive, déjà heureuse, attentive seulement au trouble qui l'envahissait, montant des profondeurs mystérieuses de sa chair.
D'un geste vif, il ôta la gorgerette, dénudant les épaules. La robe, largement ouverte, bâillait sur la gorge ronde qu'il se mit à caresser lentement, cherchant
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