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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l'engloutit. Des mendiants, vrais ou faux estropiés, s'y traînaient, geignant sur un ton monocorde, en réclamant l'aumône.
    D'autres entouraient l'antique pierre des Fièvres, où chaque vendredi s'étendaient quelques malades, en criant que la veille encore, Vendredi saint, un perclus avait retrouvé l'usage de ses jambes. Mais Catherine ne leur prêta aucune attention.
    Son regard était fixé sur une marche, située à la hauteur des grandes portes dorées du sanctuaire. Quelques mots écrits en latin s'y lisaient : « Si tu ne crains pas le péché, crains de toucher ce seuil, car la Reine du Ciel veut des serviteurs sans tache... » Approchait-elle vraiment sans péché, elle qui, au prix d'un mensonge, allait conquérir sa liberté ? Elle demeura un instant immobile, regardant l'inscription, le cœur étreint d'une angoisse subite. Mais l'élan qui la portait était trop fort pour s'arrêter là. Elle franchit les portes, continua son ascension dans l'ombre épaisse de l'église. Les degrés montaient en une sorte de tunnel au fond duquel scintillaient les cierges jusqu'au cœur même du sanctuaire. Là-haut, c'était comme la gloire lumineuse de l'aurore au sortir de la nuit noire. Un chant grave, lugubre et monotone, emplissait le vaisseau de pierre... Quand, enfin, elle émergea de l'ombre, Catherine crut avoir quitté ce monde tant le décor était étrange. Sur un autel de pierre érigé entre deux colonnes de porphyre couleur de sang, environnée d'une multitude de cierges et de lampes de verre rouge, la Vierge Noire la regardait de ses yeux d'émail...
    Le chœur était vide, mais, sur les murs, les personnages hiératiques et décharnés des fresques byzantines semblaient reprendre vie dans la lumière tremblante des chandelles. Une crainte superstitieuse s'empara de Catherine, la vieille terreur du ciel et de l'enfer toujours latente au fond du cœur des hommes et des femmes de ce siècle de fer.
    Lentement, elle plia les genoux, se laissa tomber sur les marches de l'autel, fascinée par l'étrange statue.
    Petite, assise bien raide dans le cône d'or de son manteau cousu de pierreries, la Vierge Noire avait l'aspect hiératique et terrifiant d'une idole barbare. On disait que les Croisés, jadis, l'avaient rapportée de Terre sainte, qu'elle était aussi vieille que le monde... Son noir visage lourd, à l'expression figée, luisait sous la couronne d'or surmontée d'une colombe qui la coiffait. Seuls les yeux d'émail, trop blancs, semblaient doués d'une vie inquiétante et Catherine, sous leur regard, se mit à trembler, écrasée par la majesté barbare de la statue.
    Le chant lugubre avait cessé. Le silence maintenant enveloppait l'église, troublé seulement par le brasillement léger des cierges.
    Lentement, Catherine ôta le sachet de peau de son cou, en tira le diamant et, sur ses deux paumes rapprochées, le tendit vers la Vierge.
    Le séculaire geste d'offrande fit étinceler de feux sanglants la pierre maudite. Jamais elle n'avait scintillé comme dans ce sanctuaire où s'étalait la grandeur de Dieu. Sur les mains de Catherine, c'était comme un noir soleil de mort tendu vers la divinité.
    — Vierge toute-puissante, chuchota la jeune femme, acceptez cette pierre de douleur et de sang. Prenez-la contre vous afin qu'en sorte à jamais le démon qui l'habite, prenez-la pour que le malheur, enfin, s'éloigne de nous... pour qu'enfin le bonheur revienne à Montsalvy.
    Pour que je retrouve mon époux.
    Doucement, elle posa la pierre aux pieds de la statue puis se prosterna, toute sa terreur envolée, mais bouleversée par une émotion nouvelle.
    — Rendez-le-moi, supplia-t-elle douloureusement. Rendez-le-moi, Vierge miséricordieuse... Même s'il faut encore souffrir, même s'il faut peiner des jours et des nuits... Faites qu'au bout du chemin je le retrouve enfin ! Permettez qu'au moins je le revoie... une fois, rien qu'une seule fois... Que je puisse seulement lui dire que je l'aime, que je n'ai jamais cessé de lui appartenir et que personne... jamais... ne pourra prendre sa place. Ayez pitié... oh ! ayez pitié ! Laissez-moi le retrouver. Après, vous ferez de moi ce que vous voudrez.
    Elle enfouit son visage dans ses mains qui furent bientôt mouillées de ses larmes et demeura là un long moment, priant pour son enfant et pour Sara, pleurant doucement et attendant inconsciemment une réponse à sa brûlante prière. Et, soudain, elle entendit :
    — Femme, ayez confiance ! Si

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