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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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mes hommes vous apprennent la politesse. Néanmoins, comme j'ai l'intention de me joindre à vous pour faire route avec mon amie, la comtesse de B... de Montsalvy, je consens à vous dire que je me nomme Ermengarde, dame et comtesse de Châteauvillain en pays bourguignon, et que le duc Philippe lui-même pèse ses paroles quand il s'adresse à moi ! Encore quelque chose à dire ?
    Gerbert Bohat hésita, retenant visiblement à grand- peine une insolence. Mais, malgré lui, le ton autoritaire de la vieille dame agissait sur lui. Il ouvrit la bouche, la referma, haussa les épaules, puis, finalement :
    — Je n'ai pas le pouvoir, quel que soit mon désir, de vous empêcher de vous joindre à nous, ni de m'opposer au départ de cette femme puisque vous la transportez.
    — Merci, mon frère, fit doucement Gillette avec un faible sourire.
    Voyez-vous, il faut que j'aille au tombeau de messire saint Jacques, il le faut... pour que mon fils retrouve la santé.
    Catherine, dont les yeux aigus ne quittaient pas le visage de Bohat, eut l'impression de voir la colère se retirer comme une marée.

    Quelque chose, qui ressemblait à un regret, passa dans ses yeux. Il détourna la tête.
    — Faites à votre gré ! dit-il sèchement. Ne me remerciez pas !
    Il s'éloigna, mais, au passage, Catherine intercepta le coup d'œil qu'il lui lança. Cet homme était son ennemi désormais, elle en était certaine. Mais ce qu'elle ne parvenait pas à comprendre, c'était l'expression bizarre qu'il avait eue en la regardant. Il y avait dedans de la rage froide, de la rancune, mais autre chose aussi. Et cette autre chose, Catherine aurait volontiers juré que c'était de la peur.
    C'était à tout cela qu'elle songeait, dans la chapelle glaciale, au milieu du vacarme de ces voix mal accordées qui proclamaient leur confiance dans le Seigneur. Qu'est-ce qui, en elle, pouvait inspirer de la crainte à un homme aussi sûr de lui que Gerbert Bohat ?... Comme pareille question ne pouvait, pour le moment, trouver de réponse, la jeune femme décida de remettre le sujet à plus tard. Peut-être, d'ailleurs, la grande connaissance des êtres humains que possédait Ermengarde lui serait-elle utile en l'occurrence.
    Elle sortit machinalement de l'église, comme les autres, reçut comme les autres le morceau de pain qu'à la porte de la domerie le père pitancier distribuait aux partants et reprit sa place au milieu de ses compagnons. Elle avait refusé le cheval que lui offrait Ermengarde.
    Ses pieds, dont l'un portait une grosse ampoule maintenant crevée, avaient été habilement pansés par sœur Léonarde et elle se sentait capable de marcher.
    — Je demanderai votre aide quand je n'en pourrai plus, dit-elle à Ermengarde que deux dames hospitalières juchaient sur un grand cheval aussi roux qu'elle- même. Deux autres avaient installé Gillette sur une paisible haquenée qui avait, jusque-là, porté l'une des suivantes de la douairière. Les deux filles de chambre qui, avec quatre hommes d'armes, formaient toute la suite de dame Ermengarde étaient installées sur le même cheval et avaient pris rang à l'arrière-garde, parmi les quelques cavaliers de la troupe.
    Le portail se rouvrit devant la colonne ragaillardie. La neige et le brouillard de la veille n'étaient plus qu'un souvenir. Le soleil brillait dans un ciel bleu, totalement dégagé, et la fraîcheur de l'heure matinale laissait tout de même prévoir une belle et tiède journée. A peine franchis les murs du vieil hospice, le chemin, devenu une large draille pierreuse, plongeait droit au fond d'une cuvette tapissée d'herbe neuve, premier palier avant la profonde vallée du Lot d'où montait une brume bleutée.
    Josse Rallard et Colin des Épinettes avaient pris place, comme d'un commun accord, de chaque côté de Catherine. Le second semblait avoir perdu sa mine morose de la veille. Il contemplait le paysage, si joyeux dans le matin clair, avec un large sourire satisfait.
    — La nature ! confia-t-il à Catherine, quelle splendeur ! Comment peut-on vivre dans nos villes puantes quand il y a tout autour tant de fraîcheur, de propreté, de liberté !
    — Surtout, quand il y a, dans lesdites villes, tant de femmes impossibles ! renchérit Josse avec un aimable sourire à l'adresse de son compagnon.
    Mais le bourgeois de Paris ne parut pas apprécier la boutade car, se renfrognant d'un seul coup, il haussa les épaules et prit un peu d'avance. Catherine interrogea du regard son

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