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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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dansait, pieds nus, devant la haute façade de pierre pâle où un Christ en majesté, anguleux et superbe, levait sur une humanité de pierre une main bénissante. Les flammes des torches animaient, comme ceux d'un théâtre, les personnages du prodigieux Jugement dernier sculpté au tympan, enluminé et doré comme une page d'évangéliaire. Les élus semblaient prêts à s'élancer vers les régions célestes, et les damnés grimacer plus douloureusement dans les supplices de l'Enfer et sous les rires des démons.
    La magie du décor agissait sur Catherine. Elle songeait qu'à ce lieu précis elle retrouvait la route qu'avaient suivie Arnaud et, après lui, le pauvre Gauthier. L'un après l'autre, le cavalier au masque noir flanqué de son maigre écuyer et le grand Normand blond avaient dû mettre pied à terre devant ce noble porche, se mêler un instant à cette foule qui, pour l'heure présente, rêvait sous les étoiles... Catherine n'eut qu'à fermer les yeux un instant pour les évoquer, le lépreux fugitif et le fils des forêts du Nord. Où étaient-ils à cette heure ? Qu'était-il advenu d'eux et quelle trace allait- elle trouver, elle qui se lançait à leur recherche avec ses faibles forces de femme ? Car, pas plus qu'elle ne pouvait croire Arnaud à jamais perdu pour elle, Catherine n'arrivait à admettre que Gauthier fût mort. Le géant avait quelque chose d'indestructible. La mort ne pouvait pas l'avoir abattu ainsi, en pleine jeunesse, au plus puissant de sa force. Elle ne parviendrait à l'atteindre que dans bien des années, quand son valet, la vieillesse, aurait accompli sur ce corps de granit sa basse besogne.
    Soudain, la songerie de Catherine fut interrompue.
    Dans la foule qui regardait les baladins, elle venait de reconnaître Gerbert Bohat. Il s'approchait de la danseuse rouge. La fille, haletante, venait de s'arrêter pour tendre à la foule un tambourin quand le Clermontois l'aborda. Malgré la distance, à vrai dire assez courte, Catherine comprit sans peine le sens de leur dialogue. La main sèche de Gerbert désignait tantôt la robe, clinquante et décolletée, de la fille, tantôt le grand Christ du tympan et sa mimique furieuse était limpide.
    Il reprochait à la danseuse d'oser donner une représentation devant une église dans ces vêtements qu'il jugeait immodestes. Et, à vrai dire, cette haute silhouette noire dressée devant elle semblait faire peur à la jeune femme dont le bras se levait comme si elle craignait d'être battue.
    Mais, bientôt, Catherine ne put se défendre d'une vague inquiétude.
    Les fureurs puritaines de Gerbert ne semblaient pas du goût de la bande de jeunes paysans qui, l'instant précédent, écoutaient le conteur.
    Ils ne voyaient aucun mal à ce que l'on dansât devant l'église et entreprirent de défendre la danseuse. L'un d'eux, un vigoureux gaillard dont la silhouette rappela un peu Gauthier à Catherine, empoigna même Gerbert par le col de sa tunique tandis que trois autres l'abordaient d'un air menaçant et que les voix aiguës des filles se mettaient à l'injurier... Dans un instant, Gerbert Bohat allait se faire malmener.
    Catherine n'aurait pu dire ce qui la fit agir sur le moment. Elle n'avait vraiment aucune sympathie pour cet homme qu'elle jugeait dur, cassant et impitoyable. Peut-être obéit-elle au simple fait qu'elle avait besoin de lui pour aller jusqu'en Galice... Mais elle quitta la chambre en courant, descendit dans la cour où les hommes d'Ermengarde buvaient un dernier coup de vin avant d'aller dormir, et interpella le sergent.
    — Vite ! ordonna-t-elle. Allez dégager le chef des pèlerins. Il va se faire écharper par la foule !...
    Les hommes prirent leurs armes et coururent. Elle les suivit, sans trop savoir pourquoi, les soldats n'ayant guère besoin d'elle. Peut-être, simplement, pour voir comment réagirait Gerbert. À vrai dire, ce fut bien vite fait. Les trois Bourguignons avaient de larges épaules, des poings redoutables, des trognes burinées par des années de guerre et des armes luisantes. La foule s'ouvrit devant eux comme la mer devant l'étrave d'un navire et Catherine, lancée dans leur sillage, se retrouva auprès de Gerbert sous le porche de l'abbaye. La foule grondait toujours, mais reculait comme un chien hargneux menacé du fouet et, peu à peu, s'écartait, retournant aux baladins qui, un instant, avaient interrompu leurs tours.
    — Vous voilà hors d'affaire, messire, dit le sergent Béraud à

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