Catherine et le temps d'aimer
chuchota Morayma affolée tandis que Catherine se contentait de hausser les épaules. .
Zobeïda, cependant, était arrivée jusqu'au lit. Ses grands yeux sombres en examinaient l'occupante avec une curiosité qui l'emportait sur la colère.
— Est-ce que tu n'entends pas ce qu'on te dit ? Tu dois te prosterner devant moi !
— Pourquoi ? Je ne te connais pas !
— Je suis la sœur de ton maître, femme, et, comme telle, ta souveraine ! Tu ne dois pas, en ma présence, t'élever au-dessus de la poussière que tu es ! Lève-toi et prosterne-toi !
— Non ! fit Catherine nettement. Je suis bien ici et je n'ai aucune envie de me lever. Mais je ne t'empêche pas de t'asseoir.
Elle vit une bouffée de colère assombrir le beau visage mat et, un instant, trembla pour sa vie. Mais non... Zobeïda se maîtrisait. Un sourire méprisant arqua ses lèvres rouges et elle haussa les épaules.
— Ta chance te monte à la tête, femme, et je veux bien me montrer indulgente pour cette fois ! Mais tu sauras qu'en l'absence de mon frère je règne ici. Au surplus, couchée ou à genoux, tu es toujours à mes pieds. Prends garde, cependant, de me rendre à l'avenir les respects que tu me dois car je pourrais être moins patiente une autre fois. Aujourd'hui je suis de bonne humeur.
À son tour, Catherine dut faire effort pour maîtriser la colère qui grondait en elle. De bonne humeur ? En vérité, elle ne comprenait que trop bien la raison de cette mansuétude. Il suffisait de contempler le négligé de Zobeïda, ses cheveux défaits, cette robe lâche passée à même la peau au sortir du lit, les cernes bleuâtres qui marquaient les yeux de la princesse... Depuis combien de temps était-elle sortie des bras d'Arnaud ?
Brusquement, le silence qui se faisait pesant fut brisé par l'éclat de rire de la princesse.
— Si tu te voyais ! Tu as l'air d'une chatte prête à griffer ! En vérité, si tu ne m'étais pas inconnue, je dirais que tu me détestes. D'où viens-tu, femme aux cheveux jaunes ?
— J'ai été prise par les corsaires barbaresques, vendue comme esclave à Almeria, récita Catherine.
— Cela ne dit pas ton pays. Es-tu du pays des Francs ?
— En effet ! Je suis née à Paris.
— Paris !... Les voyageurs que mon frère accueille volontiers disent que c'était, naguère, une ville incomparable par sa science et sa richesse, mais que la guerre et la misère la ruinent et la dégradent chaque jour. Est-ce pour cela que ses habitants s'en vont en esclavage
? — Je crains, fit Catherine sèchement, que tu ne comprennes pas grand-chose aux affaires de mon pays. Je saurais d'ailleurs bien mal te les expliquer.
— Qu'importe ! Cela ne m'intéresse pas ! Au fond, à l'exception de quelques-uns, vous n'êtes bons qu'à faire des esclaves et je ne comprendrai jamais le goût des hommes pour vos peaux blanches, vos cheveux jaunes. Tout cela est si fade !
Dans un geste plein de grâce nonchalante, Zobeïda s'étirait et, tournant le dos à Catherine, se dirigeait vers la porte, mais, avant d'en franchir le seuil, elle se retourna.
— Ah ! j'allais oublier ! Écoute ce que je vais te dire, femme, et tâche de t'en souvenir, si tu veux vivre ; le caprice de mon frère, qui ne durera pas, sois-en bien certaine, t'a mise à la place d'une sultane et logée dans mon voisinage. Mais si tu tiens à réjouir encore durant quelques nuits les sens du Calife, ne t'approche pas de mon logis.
Seules, les femmes de mon service ont ce droit ou celles que je convie, mais je ne tolère pas qu'une étrangère, une barbare s'y introduise. Si l'on te voit rôder autour de mes appartements, tu mourras !
Catherine ne répondit pas. Elle comprenait que cette rigueur s'appliquait surtout à une femme venue du même pays qu'Arnaud. Un instant, elle eut la tentation de lancer ce qu'elle pensait au visage de sa rivale, mais se retint. A quoi bon exciter la colère dangereuse de cette fille ? Ce n'est pas une joute oratoire avec Zobeïda qui lui rendrait Arnaud. Elle ne put, cependant, se retenir de murmurer :
— Caches-tu donc un trésor dans ta demeure ?
— Tu es trop bavarde et trop curieuse, femme aux cheveux jaunes
! Et je n'ai plus de patience pour toi. Remercie Allah que je ne veuille pas attrister 'non frère en lui brisant si tôt un jouet dont il n'est pas encore las ! Mais tiens ta langue et voile tes yeux si tu veux conserver l'une et les autres ! Aveugle et muette, tu serais tout juste bonne pour les galeux du
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