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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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papier enveloppé d'une housse de velours constellée de saphirs et contenant des poèmes que Muhammad envoyait à sa bien-aimée. Les jours précédents, Catherine avait reçu, de la sorte, une aigrette blanche retenue par une boucle de grosses perles roses, une cage d'or pleine de perruches bleues et une extraordinaire œuvre d'art : un paon d'or massif déployant l'éventail d'une queue toute de pierreries.
    — C'est d'ailleurs assez rassurant, conclut Marie. Cela prouve au moins que le Commandeur des Croyants est toujours en vie... qu'Allah veuille l'y conserver !

    Les esclaves apportant le repas des deux femmes avaient interrompu leurs confidences. Mais, tandis que Marie faisait joyeusement honneur aux nombreux plats qu'on lui servait, Catherine tombait dans une rêverie profonde dont Marie se garda bien de la tirer. Sa situation était pire encore qu'elle ne l'avait imaginée. À tout instant pouvait arriver la nouvelle de la mort de Muhammad... et alors !... Dieu seul savait combien de minutes il lui resterait à vivre. Elle n'aurait même pas la possibilité d'avertir Arnaud et elle mourrait près de lui sans même qu'il s'en doutât. Quant à ses amis ; comment les appeler à son aide ?
    Josse, enrôlé dans les troupes du Calife, était à l'Alcazaba, mais le moyen de lui envoyer un messager ? Pouvait-elle faire appeler Fatima auprès d'elle, lui confier une lettre pour Abou-al-Khayr ? La lettre parviendrait-elle ? Et, toujours, revenait la même question torturante : aurait-elle le temps ?
    Marie, qui avait fini son sorbet, commençait à picorer de grosses dattes luisantes de sucre, bien décidée à ne pas interrompre la méditation de Catherine, quand, brusquement, celle-ci se retourna sur le dos et planta son regard dans les yeux de la jeune fille.
    — Puisqu'il en est ainsi, déclara-t-elle calmement, je n'ai plus un instant à perdre. Il faut agir aujourd'hui même.
    — Que vas-tu faire ?
    Catherine ne répondit pas tout de suite.
    Au moment de prononcer les paroles décisives, elle s'accorda le temps d'une ultime hésitation parce que tout de même c'était sa vie qu'elle allait jouer et parce que cette fille lui était encore à peu près inconnue. Mais la petite Marie posait sur elle des yeux si clairs, si francs que la légère prévention demeurée en Catherine s'envola. Si elle ne pouvait faire confiance à cette petite, en vérité elle ne pourrait plus accorder créance à personne. Aussi bien, le temps pressait. Elle se décida.
    — Il faut que je sorte d'ici, que je voie mon époux...
    — C'est l'évidence.. Mais comment ? A moins que...
    — À moins que ?
    — À moins que nous ne changions de vêtements et que tu ne sortes à ma place. Ce costume a du bon : pour savoir ce qu'il y a au juste dans leurs paquets de voiles il faut être malin, d'autant plus que nous avons la même nuance de peau et qu'en baissant les paupières la couleur des yeux ne se voit pas.

    Le cœur de Catherine battit plus fort mais plus régulièrement. Marie l'avait devinée et, tout naturellement, proposait ce qu'elle hésitait à lui demander. Elle prit la main de la petite dans la sienne.
    — Est-ce que tu te rends compte, Marie, que tu vas risquer ta vie dans cette affaire ? Si l'on vient pendant que je serai absente...
    — Je dirai que tu m'as attaquée, ficelée. Ce n'est pas difficile de ligoter quelqu'un ici. Le tissu fin et solide ne manque pas. Si l'on vient, je serai à couvert... ou à peu près. Si l'on ne vient pas, tu me délieras en revenant, si tu reviens, et tout sera dit !...
    — Comment expliqueras-tu mon absence si Morayma apparaît ?
    — Je dirai que tu étouffais ici et que tu voulais absolument respirer.
    — Au point de te ficeler pour prendre tes vêtements ?
    — Pourquoi pas ? Si tu savais les idées invraisemblables que l'ennui souffle aux femmes, dans ce harem, tu saurais que Morayma ne s'étonne plus de rien ! Malgré tout, prends garde ! Ce que tu vas faire est extrêmement dangereux. Vouloir parler au chevalier franc, c'est chercher la mort. Si Zobeïda te surprend, rien, pas même la pensée de la colère de son frère, ne pourra te sauver de sa fureur.
    Dans ces instants-là elle devient sourde, aveugle à tout ce qui n'est pas sa haine.
    — Tant pis ! Qui ne risque rien n'a rien. Ce qui me tourmente, c'est comment je franchirai les postes de garde. Le jardin privé de Zobeïda est sur l'autre face de son logis, n'est-ce pas ? Et j'ai entendu dire que mon époux y

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