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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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manqua un battement. Elle crut avoir mal entendu, demanda avec angoisse :
    — Que dis-tu ? J'ai mal compris...
    — Tu le tueras, de ta jolie main fine. Écoute plutôt : ton époux est au fond d'une geôle, en ce moment. Il y restera jusqu'au jour des funérailles solennelles de sa victime, qui auront lieu au coucher du soleil, dans une semaine d'ici. Ce jour-là, il mourra afin que l'esclave accompagne sa maîtresse dans l'Au-delà et que Zobeïda, puisse, dans la tombe, contempler les restes sanglants de son meurtrier. Jusque-là, il ne boira, ni ne mangera, ni ne dormira, afin que le peuple voie quelle pauvre chose ma colère peut faire d'un chevalier franc. Mais ce qu'il va souffrir n'est rien auprès de l'univers de tortures qu'il devra endurer avant de mourir. A la face du ciel, devant tout le peuple, les bourreaux lui feront regretter cent fois d'être né... à moins que...
    — À moins que quoi ? souffla Catherine, la gorge sèche.
    — À moins que tu n'abrèges son supplice. Tu y assisteras, ma rose, parée comme il convient à une sultane. Et tu auras le droit d'abréger ses toitures en le frappant, toi-même, avec l'arme même dont il s'est servi pour tuer.
    Ainsi, c'était cela qu'il avait trouvé pour la faire souffrir ? Le choix abominable entre frapper, elle-même, l'homme qu'elle adorait, ou bien l'entendre hurler pendant des heures dans les supplices ! Mon Dieu ! Comment pourrait-elle trancher cette vie dont dépendait la sienne ? Tristement, pitoyablement elle murmura, comme pour ellemême :
    — Il bénira la mort que lui donnera ma main.
    — Je ne crois pas. Car il saura que tu m'appartiendras désormais en toute propriété. On ne lui laissera pas ignorer que, le soir même, je t'épouserai.
    Une telle cruauté se lisait sur le beau visage du Calife que Catherine détourna les yeux, écœurée.
    — Et l'on te dit bon, noble, généreux !... On te connaît mal !
    Pourtant ne te réjouis pas trop vite. Moi non plus, tu ne me connais pas ! Il y a une limite à la souffrance.
    — Je sais. Tu as dit que tu mettrais fin à tes jours. Pas avant le jour du supplice, cependant, car rien ne pourrait sauver ton époux de la torture si tu n'étais plus. Il te faut rester vivante pour lui, douce dame !
    Elle leva sur lui un regard de noyée. Quel genre d'amour lui vouait donc cet homme ? Il lui criait sa passion et, l'instant suivant, la torturait avec une froide cruauté... Mais elle ne raisonnait plus, ne luttait plus ! Elle était à bout d'espoir. Pourtant, il n'était pas possible qu'il ne se trouvât pas, au plus profond du cœur de cet homme, de ce poète, une toute petite place accessible à la pitié...
    Lentement, elle se laissa glisser à genoux, courba la tête.

    — Seigneur ! murmura-t-elle. Je t'implore ! Vois... je suis à tes pieds, je n'ai plus d'orgueil, plus même d'amour-propre. Si tu as pour moi un peu d'amour, si peu que ce soit, ne me laisse pas souffrir ainsi ! Tu ne peux me condamner à la torture que seront les jours à venir, tu ne peux vouloir que j'agonise lentement sous le même toit que toi. Si tu ne veux, ou ne peux m'accorder la vie de mon époux, alors permets-moi de le rejoindre. Laisse-moi partager ses souffrances et sa mort et, devant Dieu qui m'entend, je jure qu'en mourant je te bénirai...
    Elle tendait, instinctivement, des mains suppliantes, levait maintenant vers lui son beau visage noyé de larmes à la fois touchante et si belle que, contrairement à ce qu'elle espérait, la colère de Muhammad se durcit.
    — Relève-toi, dit-il sèchement. Inutile de t'humilier, j'ai dit ce que j'avais à dire.
    — Non, tu ne peux pas être si cruel ! Qu'as-tu à faire d'un corps dont l'âme ne peut t'appartenir ?... Ne me fais pas souffrir... Aie pitié de moi !
    Elle cacha son visage dans ses mains, mais, au- dehors, le soleil se couchait dans une gloire sanglante. Du haut du minaret voisin, la voix perçante d'un muezzin s'éleva vers le ciel, appelant les croyants à la prière du soir. Elle couvrit les sanglots désespérés de Catherine, et Muhammad qui, peut-être, allait fléchir, se reprit entièrement. D'un geste violent, il désigna la porte, jetant durement :
    — Va-t'en ! Tu perds ici ton temps et tes peines ! Tu n'obtiendras rien de moi. Rentre chez toi. Il est l'heure pour moi d'aller prier !
    Instantanément, les larmes de Catherine séchèrent au feu d'une brutale fureur. Elle se releva vivement, dardant sur le Calife un regard brûlant de haine.
    —

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